En la solennité du Christ Roi, Mgr François G. Gnonhossou a clôturé le centenaire de la Fraternité de Montligeon au Bénin. Dans son homélie, il a encouragé les membres de la Fraternité à intensifier leurs prières. Il les a aussi exhortés à œuvrer dans le sens d’une conversion liturgique et d’une transformation sociale.
« Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, seul l’amour parlera. »
Chers frères concélébrants aumôniers de la fraternité Notre-Dame de Montligeon,
Bien-aimés frères et sœurs, fidèles et intrépides vaillants membres de la fraternité de Montligeon, venus de partout aux pieds de Notre-Dame d’Arigbo, Notre-Dame de l’Unité de Dassa, je vous salue et vous remercie d’avoir choisi Dassa, la terre mariale, ce haut lieu de prière pour rendre grâce à Dieu pour cent ans de présence au Bénin.
Clôture du centenaire de la Fraternité de Montligeon au Bénin
L’événement ecclésial de la clôture du Centenaire de la Fraternité Montligeon au Bénin (1923-2023) coïncide avec la célébration de la solennité du Christ Roi de l’univers. Si c’est en 1925 que le Pape Pie XI institua la célébration de la solennité du Christ Roi avec l’encyclique Quas primas, pour apprendre à rechercher la paix du Christ par le règne du Christ et à restaurer la souveraineté de notre Sauveur à cette époque, c’est un peu plus tôt en 1923, à partir de la paroisse cathédrale de Porto-Novo, que commença au Dahomey d’alors – le Bénin d’aujourd’hui-, l’expérience de la dévotion de prière pour les défunts, surtout les âmes les plus délaissées du Purgatoire.
Dans les deux situations, il y a le besoin d’agir, afin que l’homme, vivant ou mort, ne se perde à jamais. Auprès des personnes et des peuples, il importe de rétablir la reconnaissance et la proclamation du règne du Christ, puis d’implorer de façon organisée la miséricorde divine pour les frères et sœurs qui ont tiré leur révérence, ceux et celles qui ont fidèlement mené le combat de la foi jusqu’au bout, ou bien qui sont dans l’épreuve, le besoin ou la solitude.
Car, que nous le voulions ou pas, il y a un jugement dernier auquel nous devons nous préparer, avec la vive conscience que nous serons jugés sur les exigences de l’amour. Dans notre vie de chrétien et chrétienne, il faut qu’absolument, que la foi en un Dieu unique et l’amour de nos frères et sœurs sans distinction, s’embrassent.
Lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, seul l’amour qui est l’expression parfaite de la foi parlera. Il rime donc bien de célébrer ensemble la Solennité du Christ Roi de l’univers et la fête du groupe de chrétiens qui prient pour la béatitude éternelle de tous les défunts, avec la ferveur de leur amour. Cette heureuse coïncidence pour cette double célébration, est aujourd’hui pour nous, frères et sœurs, un signe providence divine, que nous devons prendre au sérieux pour notre marche vers le royaume éternel.
Le Christ est roi par son amour total
Chers amis, c’est l’amour qui se manifeste sur la Croix, où le Christ est intronisé Roi de l’univers et fait l’unité de tous les peuples en sa personne (Cf. Jn11, 52 ; 12, 32). C’est son amour infini et inégalable qui dit sa royauté pour le monde. Ses bras ouverts, son corps suspendu entre ciel et terre, l’eau et le sang jaillis de son côté ouvert, son cri vers le Père, la remise de son Esprit, bref, toutes les scènes de la Croix disent à quel point Jésus nous a aimés, en se livrant pour nous. Oh quel beau, éloquent et sublime sacrifice, il nous a laissé en exemple à suivre dans la foi, à nous engager sans compter au service et de l’Humanité, pour le bonheur de tous !
Devant la crise du péché, des violences, des injustices sociales, de l’idolâtrie et de l’ignorance, Jésus a posé l’acte suprême d’amour : il a donné sa vie pour ceux qu’il aimait (Cf. Jn15, 13). Son amour de l’homme jusqu’au bout se dévoile suprêmement dans sa Croix, après sa naissance dans la mangeoire, ses déplacements pédestres, ses voyages en barque ou au dos de l’âne.
Dans une vie pauvre, ainsi que l’engagement pour la vérité, la justice, la miséricorde et le salut, et, contrairement à la conception humaine du pouvoir, Jésus a planté l’étendard de sa royauté sur notre terre. Il règne à jamais et nous invite à nous mettre à sa suite, afin que le monde continue d’expérimenter la grâce de la vie, de la paix, de la liberté et du salut.
Car, « nous ne sommes pas dans le monde seulement pour nous-mêmes, mais pour amener nos frères et sœurs dans l’étreinte du Roi », disait le Pape François, dans son homélie de la messe du Christ-Roi, à la cathédrale d’Asti en Italie, le 20 novembre 2022.
Bien-aimés de Dieu, si le Christ Seigneur est allé droit sur ce chemin d’amour et d’oblation de soi, que faisons-nous, nous autres ses disciples aujourd’hui, en face des misères, des violences de guerres et des idéologies qui contredisent ouvertement la foi chrétienne partout dans le monde ?
Encouragement aux membres de la Fraternité de Montligeon au Bénin
Pour vous qui êtes membres de la Fraternité Montligeon au Bénin, il s’agit de vous inscrire dans un élan nouveau de retour à l’esprit de l’œuvre de la Fraternité Notre-Dame de Montligeon. En priant avec ferveur pour tous les défunts, oh mon Dieu que nous avons de trop ces temps-ci par tout dans notre monde !
À travers le chapelet, le chemin de croix et l’adoration du Très Saint Sacrement, et par vos prières de suffrages, implorez la miséricorde en faveur de nos défunts. Ainsi, vous prenez en charge un besoin important de l’humanité, la prière pour l’Église souffrante.
Vous vous rendez sur l’horizon où la mort fait des ravages et la vie subit les plus sordides outrages. Vous implorez alors la miséricorde divine pour ces êtres chers, qui ne peuvent plus rien pour eux-mêmes, à cause de leur état de défunt ou d’âmes du Purgatoire.
Dans votre démarche d’apostolat, de supplication et d’intercession devant la majesté divine, vous incluez également les frères et sœurs qui, ici-bas, sont dans l’épreuve, le besoin ou la solitude, afin qu’ils obtiennent, eux aussi, du Roi de gloire, la vraie paix et la vraie joie d’être.
Votre apostolat de prière pour les défunts et les plus démunis vous révèle comme une grande famille spirituelle, qui marche ensemble et participe à la mission de l’Église. Avec votre spiritualité de prière de suffrages pour les âmes du Purgatoire, vous annoncez la nécessité de prier pour tous les défunts (Cf. 2 Mac12, 46) et vous proclamez la foi de l’Église en la résurrection de la chair et à la rémission des péchés. Je vous en remercie, vous en félicite et vous encourage à ne jamais faiblir dans votre mission et apostolat au service de l’Église.
Exhortation pour une conversion liturgique et une transformation sociale
Là-dessus, je voudrais vous voir insister davantage auprès des personnes et des communautés de notre Église locale et de notre pays, pour une conversion liturgique et une transformation sociale. Que nos cérémonies de funérailles cessent d’être des occasions d’endettement, d’enrichissement, de compétition ou de démonstration de force financière, pour devenir davantage des moments fervents et saints de prière et de méditation sur la miséricorde de Dieu.
De même, que votre mission fondée sur la foi apostolique brise les chaînes, les conceptions culturelles et la peur de la sorcellerie souvent faussement ancrées dans notre mentalité emprisonnée par la peur de la mort, à exorciser.
Pareillement, nous devons cultiver l’attention et le soin à nos parents et grands-parents, de leur vivant, pour ne pas tomber dans le ridicule des hommages posthumes irresponsables et inutiles. Car, au dernier jugement, c’est l’amour seul qui parlera. Et devant le Roi siégeant sur son trône pour le jugement, toutes nos bonnes œuvres, « toutes nos justices ont des taches », disait sainte Thérèse de Lisieux.
C’est l’Amour seul, expression d’une foi vive et agissante qui habilite à entrer dans le Royaume et à en posséder la jouissance éternelle. C’est lui seul qui, à la surprise des postulants à la vie éternelle, dit : « Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde » (Mt25, 34) ; ou bien « Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges » (Mt25, 41). En fait, l’Amour ne condamne pas, ne fait rien de mal (Cf. Rm13, 10 ; 1Co13, 5) ; mais il est juste envers quiconque le choisit ou le refuse.
Chers frères et sœurs de la Fraternité Montligeon, apprenez-nous à vous engager envers l’Amour, l’amour de Dieu et du prochain. Apprenez-nous à prier et à travailler par amour pour les âmes les plus délaissées dans nos maisons de la terre ou au Purgatoire. Car, le Christ règne. Il veut étreindre dans ses bras ouverts et dans son cœur transpercé tous les pauvres et les âmes des tous les défunts.
Bien-aimés de Dieu, la ferveur de la clôture de ce centenaire de la Fraternité Montligeon au Bénin peut aussi nous amener à présenter à Dieu les diverses causes de décès de nos frères et sœurs qui sont partis.
Qu’est-ce qui a tué nos frères et sœurs ?
De toute évidence, il y a la mort et la mort… Pour nous au Bénin en général, la cruauté, contenue dans la sorcellerie, justifie la mort de la plupart de nos compatriotes. Mais, ce n’est peut-être qu’une partie de l’iceberg. La réalité des foyers de guerre entretenus, ici ou là, à travers le monde ; les catastrophes naturelles ; les radicalisations idéologiques ou religieuses ; les polarisations économiques et politiques ; l’esprit de kamikaze ; les mauvais choix ; les négligences coupables ; les indifférences insolentes; les incompétences suicidaires ; les incapacités financières ; l’idolâtrie à bon marché ; etc., tout cela nous fait poser la question suivante avec douleur et remord : ‘’Nos frères et sœurs sont morts de quoi ?’’
Mes frères et sœurs, en présence de Dieu notre Père, nous pouvons soupirer et nous écrier : le cœur de l’homme est compliqué et malade (Cf. Jr 17, 9). Le monde, dit le pape François, « est déchiré par les guerres et par la violence, ou blessé par un individualisme diffus qui divise les êtres humains et les met l’un contre l’autre dans la poursuite de leur propre bien-être. (…) Cela me fait très mal, continue le Pape, de voir comment dans certaines communautés chrétiennes, et même entre les personnes consacrées, on donne de la place à diverses formes de haine, de division, de calomnie, de diffamation, de vengeance, de jalousie, de désir d’imposer ses propres idées à n’importe quel prix, jusqu’à des persécutions qui ressemblent à une implacable chasse aux sorcières. Qui voulons-nous évangéliser avec de tels comportements ? » (Evangelii gaudium, n°99.100).
Le ton du message du prophète Ezéchiel entendu dans la première lecture de ce dimanche nous interpelle par rapport à la vie de nos frères et sœurs, dont nous sommes les gardiens. Le berger humain mercenaire est découvert dans son indifférence et irresponsabilité suicidaires envers le peuple élu. C’est alors que le Roi Berger lui-même se dresse sur la scène et pose son engagement, qui nous fait contempler son cœur miséricordieux et aimant :
« Voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis et je veillerai sur elles (…), et j’irai les délivrer de tous les endroits où elles ont été dispersées (…). La brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. Celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai, je la ferai paître selon le droit »
Ez 34, 11.16
C’est pourquoi le psalmiste se repose en lui et chante sa confiance et son assurance entre ses mains : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien (…) Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie » (Ps 22,1.6).
Seul l’amour parlera
Dans la perspective du Roi qui va « juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs » (Ez 34, 17), nous voyons ici encore que c’est l’amour seul qui parlera. Il s’agit là d’une exhortation vigoureuse pour que nous accomplissions nos différents devoirs avec beaucoup d’à-propos et de responsabilité.
Occupons-nous de nos frères et sœurs, de nos peuples, avec le souci de servir simplement ! En matière de vie humaine à sauver, le plus minime détail compte. L’individu ne saurait être banalisé, au point d’être sacrifié au profit de l’ensemble ou du bien commun. Pour cela, « Je voudrais, dit le pape François, que nous écoutions le cri de Dieu qui demande à nous tous : ‘’Où est ton frère ?’’ (Gn4, 9). Où est ton frère esclave ? Où est celui que tu es en train de tuer chaque jour dans la petite usine clandestine, dans le réseau de prostitution, dans les enfants que tu utilises pour la mendicité, dans celui qui doit travailler, caché parce qu’il n’a pas été régularisé ? Ne faisons pas semblant de rien. Il y a de nombreuses complicités. La question est pour tout le monde ! » (Evangelii gaudium, n°211).
Rendons honneur, gloire et louange au Christ Roi de l’univers, dont l’évangile et l’amour triomphent de nos irresponsabilités et errances. Par sa mort et sa résurrection, il a vaincu le péché et la mort, et il a fait triompher la vie. C’est lui qui doit régner jusqu’à ce que Dieu soit tout en tous (Cf. 1 Co 15, 28), dans notre pays le Bénin et dans le monde. Nous le demandons par l’intercession de sa Mère, la Bienheureuse Vierge Marie, Notre-Dame de la Paix d’Arigbo de Dassa-Zoumé, Notre Dame de l’Unité des peuples, qui est aussi la Reine de notre pays et dans le monde. Amen !
✠ François G. GNONHOSSOU, sma
Évêque de Dassa-Zoumé