Le purgatoire pour apprendre l’amour

L’Église catholique affirme à temps et à contretemps l’existence d’une étape de purification avant l’entrée dans la joie du ciel, appelée purgatoire. Beaucoup en doutent, pourtant les hommes ont toujours ressenti la nécessité de prier pour les morts. Depuis quand cette vérité de foi a-t-elle été instituée ? Pourquoi le purgatoire est-il une bonne nouvelle ? On ira tous au purgatoire ?

 « Ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié de Dieu mais imparfaitement purifiés, bien qu’assurés de leur salut éternel souffrent après leur mort une purification afin d’obtenir la sainteté nécessaire pour entrer dans la joie du ciel. » Catéchisme de l’Église catholique, n°1030.

Don Paul Denizot, recteur du sanctuaire de Montligeon

Le purgatoire mis en doute

L’histoire du purgatoire n’est pas un long fleuve tranquille. Certains historiens disent qu’il a disparu depuis le XXe siècle. D’autres soutiennent qu’il a été inventé au Moyen-Âge. D’autres nient sa nécessité car Dieu n’en a pas besoin pour nous transformer. Ils citent l’exemple du bon larron, l’un des deux malfaiteurs crucifiés avec Jésus, qui est entré au ciel immédiatement après la mort. Ce criminel a reconnu que son châtiment était juste, il a eu un vrai regret de ses péchés par amour de Dieu et a été transformé en un seul instant par l’Esprit Saint. Le purgatoire n’est donc pas une nécessité absolue. Pour cette raison, certains ont du mal à le reconnaître. 

D’autre part, pour le protestantisme la grâce ne nous transforme pas de l’intérieur mais elle nous recouvre, et c’est Jésus qui est jugé à notre place. Dans ces conditions, il n’y a pas besoin de purification et nous serons sauvés quoi qu’il arrive. Chez les chrétiens orthodoxes, le mot purgatoire n’est pas utilisé mais ils prient pour les défunts et offrent la messe pour les morts. 

Le purgatoire a mauvaise presse en Occident et particulièrement en France. Peut-être est-ce dû au spiritisme et au romantisme du XIXe siècle. Cependant, partout ailleurs dans le monde, les catholiques continuent volontiers de croire à la prière pour les âmes du purgatoire, particulièrement en Afrique, en Asie et aussi en Amérique. Les hommes ont toujours prié pour les défunts, comme s’ils avaient l’intuition profonde qu’ils pouvaient encore faire quelque chose pour les morts. L’Église a toujours prié pour les morts et chaque jour, nous prions à la messe pour les défunts.

A la retraite, Christian a choisi d’aller habiter à Montligeon pour prier pour les âmes du purgatoire.

Depuis quand le purgatoire a-t-il été institué ? 

Le purgatoire a été formalisé dans la théologie de l’Église au concile de Florence en 1439. Mais la vérité que suppose ce terme a toujours été crue dès l’antiquité chrétienne. Le 2e livre des Martyrs d’Israël révèle en effet que les Juifs eux-mêmes, trois siècles avant le Christ, priaient pour les défunts parce qu’ils croyaient à la résurrection de la chair et au pardon des péchés après la mort.

La parole de Dieu nous en donne aussi des preuves. Ainsi, saint Paul nous rappelle que : « La pierre de fondation, personne ne peut en poser d’autre que celle qui s’y trouve : Jésus Christ. Que l’on construise sur la pierre de fondation avec de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, ou avec du bois, du foin ou du chaume, l’ouvrage de chacun sera mis en pleine lumière. En effet, le jour du jugement le manifestera, car cette révélation se fera par le feu, et c’est le feu qui permettra d’apprécier la qualité de l’ouvrage de chacun. Si quelqu’un a construit un ouvrage qui résiste, il recevra un salaire ; si l’ouvrage est entièrement brûlé, il en subira le préjudice. Lui-même sera sauvé, mais comme au travers du feu » (1 Co 11-15) . L’Apôtre montre ainsi l’existence d’un salut « comme à travers le feu. » 

Nous trouvons aussi dans l’évangile des traces implicites du purgatoire, par exemple quand Jésus dit que : « le péché contre l’Esprit-Saint ne sera remis ni dans ce siècle, ni dans l’autre. » Cela signifie qu’il y a une possibilité d’avoir une rémission des péchés par-delà mort. 

« Le purgatoire,
c’est l’infirmerie du Bon Dieu. »

Saint curé d’Ars

Le purgatoire est une bonne nouvelle

Le purgatoire est une bonne nouvelle puisque, pendant ce temps de miséricorde, l’amour de Dieu nous prépare, nous transforme et nous purifie des séquelles qui sont liées à nos péchés. C’est comme une cure de désintoxication qui nous libère de tous nos mauvais attachements pour nous permettre d’aimer pleinement et d’être capables de recevoir l’amour de Dieu dans la gloire. 

Le purgatoire est aussi une bonne nouvelle, parce que la justice se réalise, c’est-à-dire que l’ordre que j’ai blessé par mon péché est rétabli. Cela ne se fait pas de manière extérieure à moi, mais en moi, en me transformant et en me purifiant. 

Les âmes du purgatoire éprouvent donc à la fois une joie immense :  joie de se savoir sauvées car elles savent qu’elles vont goûter à la joie du ciel ; joie d’être déjà dans l’amour de Dieu et dans la grâce, joie d’appartenir déjà à la communion de l’Église. Et puis il y a aussi une souffrance, celle de ne pas goûter encore la joie du ciel. C’est un peu ici-bas comme une fiancée qui guette avec impatience le retour de son fiancé après une longue séparation. Elle peut plus ou moins bien meubler son temps, avec telle ou telle activité, un livre ou un smartphone… Rien de tout cela en purgatoire, mais le désir de plus en plus brûlant de la fin de la convalescence.

En purgatoire il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre. Les grands mystiques comme sainte Catherine de Gênes le soulignent : c’est une joie immense et une souffrance immense, telle qu’on n’en connaît pas ici-bas. 

Le purgatoire est-il un lieu ou un état ?

Don Axel de Perthuis au micro de Guillaume Desanges pour RCF Normandie

Le purgatoire est-il un lieu ou un état ? Ce n’est pas un lieu car après la mort, l’âme est séparée du corps et le lieu est une propriété des corps physiques. Il est d’abord un état de transformation pendant lequel le temps n’est pas le temps cosmologique tel qu’on le connaît ici-bas, mais un temps psychologique. Nous le sentons bien : dans nos maturations et dans nos croissances, le temps n’est pas le même et il est propre à chacun. 

Mais avant tout, le purgatoire est une relation, car la foi chrétienne voit tout comme une relation à l’amour et à celui qui est l’Amour : le Christ. Dans cette optique, le refus du Christ, c’est l’enfer et l’ouverture totale à l’amour du Christ, c’est le ciel. Dans cet amour, il peut rester des choses dont nous devons être purifiés pour être pleinement au Christ, c’est le purgatoire. Donc le purgatoire, c’est la relation au Christ comme relation à la fois d’amour, de justice et de miséricorde, c’est une relation purifiante.  

Aider nos défunts
Un cimetière est un lieu vivant pour faire une pause, se retrouver avec nos défunts, le temps d’une prière.

On ira tous au purgatoire ?

Le purgatoire peut se vivre déjà ici-bas par exemple quand on est malade ou dans l’épreuve, à condition d’accepter de s’abandonner, de se livrer à l’amour et non pas de s’arcbouter et de refuser l’amour du Christ. Des purifications peuvent déjà se vivre ici-bas et, pour ceux qui en auront besoin, le purgatoire permettra après la mort de parachever ce travail d’ouverture à l’amour de Dieu.Le purgatoire n’est pas une étape obligée et sainte Thérèse nous dit qu’il faut désirer aller au ciel. Mais c’est un cadeau de Dieu pour nous permettre d’accéder à lui. Il pourrait bien sûr nous faire accéder directement au ciel sans passer par le purgatoire et c’est le cas pour certains. Mais pour une bonne partie d’entre nous, nous aurons le désir de satisfaire la justice de Dieu après la mort. C’est l’âme elle-même, écrit sainte Catherine de Gênes dans son Traité du purgatoire qui, ne se sentant pas prête, choisit d’elle-même d’être purifiée avant de communier à l’amour.

Le purgatoire, un temps pour apprendre l’amour

Le purgatoire est un temps pour apprendre l’amour, un temps pour se détacher de soi et se tourner vers Dieu.

Confier un défunt à la prière de la Fraternité de Montligeon

Peut-on aider les défunts ?

S’ils sont au Ciel, ce sont eux qui prient pour nous ; s’ils sont en enfer, ils refusent notre amour et donc notre prière ne sert à rien. En revanche s’ils sont dans cette étape de purification qu’est le purgatoire, notre prière a du sens. Les vivants peuvent toujours faire quelque chose pour leurs défunts : ce n’est jamais trop tard et jamais inutile. Par nos prières, nos jeûnes, nos aumônes, nos mercis, nos pardons demandés et offerts, nous pouvons les aider dans leur étape de purification.

A l’occasion d’un pèlerinage au sanctuaire, Sylvie et Franck partagent leur désir de prier pour les âmes du purgatoire et de la miséricorde divine.

Nos prières et nos intercessions, si pauvres soient-elles, les aident beaucoup dans cette étape comme l’attestent les témoignages de sainte Thérèse d’Avila, de sainte Faustine ou de saint Pio de Pietrelcina (Padre Pio). De leur côté, les âmes du purgatoire ne sont pas ingrates : « La pensée de prier pour les morts, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés, est une pensée sainte et pieuse’ (2 M 12, 45) ” (LG 50). Notre prière pour eux peut non seulement les aider mais aussi rendre efficace leur intercession en notre faveur ». Catéchisme de l’Église catholique n°958.

Certaines personnes pensent qu’elles ne peuvent plus demander pardon, ni remercier leurs défunts. Mais ce n’est pas trop tard car, dans la communion des saints, en remettant ceux que nous aimons au Seigneur par l’intercession de la Vierge Marie, nous pouvons toujours faire du bien à nos défunts.

« Ne pleurez pas, je vous serai plus utile après ma mort et je vous aiderai plus efficacement que pendant ma vie. » Saint Dominique, mourant, à ses frères, Jourdain de Saxe, lib. 93. Cité par le Catéchisme de l’Eglise catholique, n°956.

Saint Augustin raconte la mort de sa mère Monique et ses dernières paroles : « Puis, nous voyant accablés de tristesse, elle dit : « Vous enterrerez ici votre mère. » Je me taisais en retenant mes larmes. Quant à mon frère, il lui dit quelques mots : qu’elle ne devait pas souhaiter mourir à l’étranger mais, comme un sort plus heureux, dans sa patrie. En l’entendant, ma mère eut le visage anxieux et lui jeta un regard de reproche pour avoir eu cette pensée. Puis elle me regarda : « Vois ce qu’il dit. » Et, s’adressant à nous deux : « Enterrez mon corps n’importe où ; que cela ne vous donne aucun souci. Je vous demande seulement de vous souvenir de moi à l’autel du Seigneur, partout où vous serez ». Lorsqu’elle eut prononcé cette phrase en cherchant ses mots, elle garda le silence, car la maladie s’aggravait et la faisait souffrir. » Saint Augustin, Confessions, BA 14 IX, XI, 27.