Homélie de la Messe des motards, 29 juin 2025

Chaque année, à l’occasion de la messe des motards, Montligeon accueille des hommes et des femmes venus de tous horizons, casqués, bottés, parfois tatoués, toujours en quête d’un moment de fraternité. Le 29 juin 2025, jour de la fête des saints Pierre et Paul, don Paul Denizot leur a adressé une parole simple avec les figures contrastées des deux apôtres : Pierre et Paul. Tous deux ont sillonné les routes de l’Empire romain, parfois à pied, souvent au péril de leur vie, pour annoncer le Christ.

À travers eux, don Paul invite les motards — et chacun de nous — à réfléchir au sens de notre propre route : où allons-nous ? Quelle place donnons-nous à notre vulnérabilité ? Que faisons-nous de notre soif de liberté ? Quelle fraternité cherchons-nous à bâtir ?

Oui, c’est encore moi qui vous parle cette année. Désolé… C’est l’un de mes moments favoris de l’année, avec le pèlerinage des pères de famille. Nous sommes très heureux de vous accueillir à Montligeon. L’année prochaine, nous espérons la venue du recteur de Porcaro, le sanctuaire de la Madone des motards. Ils sont 15000 là-bas en été. Il est venu ici et m’a confié que ce pèlerinage l’intéressait beaucoup. Peut-être présidera-t-il le prochain. Alors pour ceux qui en ont marre de m’écouter, tant pis pour vous… et pour les nouveaux : bienvenue ! Il m’a semblé providentiel, chers amis — et je m’adresse aux motards, mais pas seulement —, que vous soyez là aujourd’hui, alors que nous fêtons saint Pierre et saint Paul. Ces deux colonnes de l’Église sont aussi deux grands apôtres morts martyrs.

Saint Pierre et saint Paul : deux figures contrastées

Aujourd’hui encore, leurs basiliques honorent leur mémoire à Rome. Sous l’autel de la basilique Saint-Pierre, on trouve les restes de l’apôtre, premier pape de l’Église. L’un de ses successeurs s’appelle Léon XIV. Quant à saint Paul, ses reliques reposent dans la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs. Petit rappel de catéchisme, pour ceux qui auraient oublié quelques épisodes. Pierre est ce pêcheur galiléen, un homme un peu rude, un peu fougueux. Il pêche toute la nuit sans rien prendre. Jésus arrive et lui dit : « Jette tes filets de l’autre côté ». Et voilà qu’il remonte une quantité incroyable de poissons. Pierre tombe à genoux : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » Mais Jésus l’appelle : « Suis-moi. » Ce Pierre-là, Jésus va l’éduquer, patiemment. Un jour, quand Jésus demande à ses disciples : « Pour vous, qui suis-je ? », Pierre répond : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » Et Jésus lui dit alors : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; la puissance de la mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du Royaume des cieux. » Mais ce même Pierre reniera Jésus trois fois, la nuit de la Passion. Celui qui avait déclaré : « Je donnerai ma vie pour toi », dira ensuite : « Je ne connais pas cet homme. » Pourtant, Jésus le confirmera dans sa mission. Trois fois, il lui demandera : « Pierre, m’aimes-tu ? » Et trois fois, il lui confiera ses brebis.

Paul, c’est un tout autre tempérament. C’est l’intellectuel. Formé à Jérusalem, pharisien, fils de pharisiens, il est profondément religieux. Amoureux de la Loi de Moïse, il la défend jusqu’à persécuter les chrétiens. Un jour, alors qu’il se rend à Damas pour faire prisonniers ceux de cette « nouvelle secte », il est renversé par une lumière. Jésus ressuscité lui dit : « Pourquoi me persécutes-tu ? » Tout change dans la vie de Paul. Lui qui avait un tempérament de feu — il n’a pas dû être facile à vivre ! —, il va parcourir tout le bassin méditerranéen. Il mourra décapité à Rome, en tant que citoyen romain. Tandis que Pierre, pauvre pêcheur juif, sera crucifié… à l’envers, par humilité.

Quatre points communs entre les motards et les apôtres

Alors pourquoi vous parler d’eux aujourd’hui ? Parce que, chers amis motards, il me semble qu’il y a au moins quatre aspects de leur vie qui peuvent vous inspirer. Je me suis même amusé à demander à ChatGPT : « Quels liens entre Pierre, Paul et les motards ? » Les réponses étaient assez justes. Mais j’ai quand même poussé plus loin. Je suis plus fort que la machine.

1. La route

Vous aimez la route. Dès que les beaux jours arrivent, vous prenez votre moto : pour aller au travail, pour vous promener, pour voyager, souvent en club. Mais par rapport à Pierre et Paul, vous êtes des Bisounours de la route. Face à vous, saint Pierre et saint Paul sont de véritables routards. Pierre a sillonné la Galilée, la Judée, l’Asie Mineure, jusqu’à Rome. Paul ? N’en parlons pas. Prenez une carte biblique et suivez ses trajets : il a traversé toute la Méditerranée, jusqu’au-delà d’Alexandrie. Il a tout quitté pour annoncer le Christ. Ces apôtres nous rappellent que nos routes ont un but. Il ne s’agit pas seulement du travail ou de la détente. Notre vie est un pèlerinage vers un objectif : la vie éternelle.

Paul l’exprime dans une lettre à Timothée, son fils spirituel, peu avant sa mort : « Le moment de mon départ est venu. J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course. » Notre route ne s’arrête pas sur un sens interdit. Elle aboutit au Royaume des cieux. Nous sommes faits pour la vie éternelle. C’est bien de s’en souvenir. Nous roulons tous pour ça, que nous soyons bien portants, à moto ou en fauteuil roulant : nous sommes des pèlerins sur cette terre.

2. La vulnérabilité

Mon père, motard lui aussi, me disait : « Le jour où tu n’as plus peur, c’est celui où tu te prends un gadin. » Et il en a pris deux bons… À la fin, il roulait sur un scooter BMW ultra-protégé. Ce n’était plus vraiment un motard. Mais il avait raison. Vous, les motards, vous savez ce que signifie la vulnérabilité. Le casque, la moto, les chutes… Tout vous le rappelle. Pierre et Paul qui sont des géants, aussi ont été vulnérables. Pierre a renié Jésus. Et tout le monde le sait : c’est écrit noir sur blanc dans les Évangiles. Il a montré sa faiblesse.

Paul, sur le chemin de Damas, tombe à terre. Lui aussi devient vulnérable. Toutes ses protections, ses certitudes, tombent. Et il entend Jésus lui dire : « Ma puissance se déploie dans la faiblesse. »

Alors chers amis motards, laissez cette vulnérabilité descendre dans votre cœur. On ne peut pas aimer sans être vulnérable. Et l’on ne peut pas être aimé sans l’être aussi. Quelles sont les carapaces que nous construisons ? Celles que nous refusons d’abandonner ? Celles qui nous empêchent d’être vulnérables avec nos enfants, notre conjoint, nos amis, nos frères ? Il n’y a que lorsque je suis vulnérable que je suis fort. Et vous le savez, vous qui roulez exposés.

3. La fraternité

Si vous êtes là aujourd’hui, c’est pour goûter à un peu de fraternité. Certains sont venus seuls, d’autres en club, en équipe, en « chapter ». Merci d’ailleurs au club Carrouges Moto, à Mickaël et à toute l’équipe de Carrouges. Même si vous restez au seuil de l’église, même si cela fait longtemps que vous n’y avez pas mis les pieds, vous faites l’expérience d’une fraternité. Pierre et Paul ont été des serviteurs de la fraternité. Votre fraternité motarde peut vous rappeler que vous appartenez à une fraternité plus vaste encore : celle de l’Église. Tout à l’heure, je pensais à cette diversité ici rassemblée. Nous avons par exemple le père Hippolyte, venu du Bénin. Nous n’avons rien en commun : ni culture, ni origine, ni formation. Et pourtant, par le baptême, nous sommes frères. « Il aurait voulu venir avec sa moto, mais elle est restée au Bénin ! ». Que cette expérience de la fraternité des motards vous rappelle une fraternité encore plus grande : la Fraternité de fils et filles d’enfant de Dieu.

4. La liberté

Pourquoi est-ce que j’aime tant les motards, qu’ils soient croyants ou non ? Parce que chez vous, il y a une recherche de liberté. C’est beau, cette sensation de liberté au guidon de sa moto. Pierre et Paul ont été, eux aussi, des hommes libres. Jusqu’au bout. La liberté, ce n’est pas l’absence de contraintes — on aimerait bien, mais ce n’est pas la réalité. La liberté, c’est d’aimer. Voilà la vraie liberté. Ils ont donné leur vie par amour pour Dieu et pour l’Église. Ils nous rappellent ce qu’est être libre.

« Priez-les comme des grands frères »

Alors voilà, chers amis : quatre raisons d’aimer saint Pierre et saint Paul — la route, la vulnérabilité, la fraternité, la liberté. Ces deux colonnes de l’Église roulent à vos côtés aujourd’hui. N’hésitez pas à les prier comme des grands frères. Ils intercèdent pour vous. Ils vous aiment.

Don Paul Denizot.

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