Homélie de Mgr Bruno Feillet pour l’entrée dans l’année jubilaire 2025 du diocèse de Séez

Le dimanche 29 décembre 2024, notre évêque a solennellement ouvert le Jubilé 2025. Pour cette occasion, le diocèse s’est rassemblé autour de Mgr Bruno Feillet dans la basilique de l’Immaculée-Conception de Sées, où a eu lieu le rite d’ouverture du Jubilé. Après une brève procession dans les rues de la ville épiscopale, les fidèles se sont réunis pour célébrer la messe en la cathédrale Notre-Dame de Sées. Voici l’homélie prononcée par Mgr Feillet à cette occasion.

Mgr Feillet, lors de son homélie du 29 décembre 2024. Photo : Diocèse de Séez

Direct du 29 décembre 2025 pour l’ouverture du Jubilé 2025.

Frères et sœurs,

C’est en pleine communion avec le Pape et tous les évêques du monde entier que j’ouvre avec vous pour notre diocèse cette année jubilaire à l’occasion du 2025e anniversaire de la naissance du Christ.

Nous trouvons la fondation de l’année jubilaire dans le livre du Lévitique, lorsque son point de départ est lié à l’arrivée dans la terre promise. Elle débute le jour du grand pardon et on sonne du cor, construit dans une corne de bélier. C’est dans ce mot hébreu que l’on trouve la racine du mot « jubilé ».

Pour nous les chrétiens, c’est en Jésus-Christ que se fonde cette année jubilaire. C’est dans l’année de sa naissance que se rend visible à nos yeux le projet de salut que Dieu nous propose. Bien sûr, ce salut ne consiste pas tant à nous faire entrer dans une terre promise ici-bas mais à nous ouvrir les cieux pour y être accueillis dans l’éternité.

Mais plus encore, ce salut vaut par les moyens que Dieu a pris pour nous l’obtenir. Il aurait pu nous ouvrir le Paradis en claquant des doigts si j’ose dire. Mais alors qu’aurions-nous appris sur la réalité de l’amour de Dieu pour nous ? Qu’aurions-nous appris sur la dignité de notre humanité que le Fils de Dieu n’a pas craint d’épouser en s’y incarnant radicalement jusqu’à assumer notre condition mortelle et faire lui-même l’expérience de la mort ? Le chemin du salut est tout aussi important que le résultat obtenu par le Christ dans l’offrande de sa vie pour le pardon de nos péchés.

Que ce soit dans le Lévitique ou dans la vie du Christ, l’année jubilaire a un lien très particulier avec la miséricorde de Dieu dont le fruit est la terre promise ici-bas pour le peuple d’Israël dans un premier temps et le Ciel pour tous dans la nouvelle alliance. C’est pourquoi la dimension de la miséricorde et de l’Indulgence plénière est une partie essentielle de cette année jubilaire.

Pour l’indulgence plénière qui est souvent sujette à discussion en raison de son utilisation plus ou moins dévoyée dans les temps anciens, notons le singulier. L’Indulgence et non pas les indulgences que l’on pouvait s’acheter au XVIe siècle moyennant des offrandes ou des actes spirituels.

En fait, lorsque l’on regarde les conditions d’accès à cette Indulgence, c’est assez simple : être réellement repenti, être animé d’un esprit de charité, recevoir le sacrement du pardon, avoir pu communier à la Sainte Eucharistie et prier aux intentions du Pape. On peut même faire cela pour les âmes du purgatoire en raison de la communion des saints.

L’indulgence plénière va au-delà du seul pardon des péchés. « Elle nous libère de toutes les conséquences du péché ». Elle vient guérir notre rapport au passé douloureux pour lequel nous portons une part de responsabilité. En effet, on peut bien être pardonné de tous nos péchés, nous entretenons parfois avec ceux-là un rapport compliqué.

Pour être plus clair, si le pardon des péchés nous ouvre un avenir, l’indulgence plénière vient guérir en profondeur la mémoire de notre passé.

Ainsi par grâce spéciale, Dieu nous fait passer du remords au regret, de l’humiliation à l’humilité.

Pour être plus précis encore, il y a un verbe associé au remords : on est rongé par le remords qui agit en nous comme un démon intérieur. Il nous mord et remord par l’activation de notre mémoire et nous enferme dans notre passé. Deux fois dans ma vie de prêtre j’ai rencontré des personnes qui avaient largement de quoi vivre et qui étaient en bonne santé mais qui disaient que pour elles-mêmes, il n’y avait plus rien à faire, il n’y avait plus d’espérance.

Dieu n’a pas besoin de notre remords. Il a surtout besoin que nous éprouvions du regret pour nos péchés, même un regret incomplet. C’est d’ailleurs souvent le cas. En effet, si nous sommes allés au péché, c’est pour l’intérêt que nous y avons trouvé et il est bien difficile de le regretter vraiment et profondément. La grâce de l’Indulgence plénière nous aidera à éprouver un regret sincère et complet de nos fautes. C’est alors, que nous aurons un rapport pacifié à notre passé. Sans doute que l’on ne peut oublier les fautes les plus graves et celles et ceux qui en ont été les victimes non plus d’ailleurs.

Mais souvenons-nous que le Christ invite celles et ceux qui portent un fardeau à venir prendre le sien qui est doux et léger. Nous pourrions nous attendre à ce que le Christ prenne sur lui notre fardeau comme il a porté nos péchés le jour de sa passion. Mais il ne dit pas cela. Il nous invite à prendre son fardeau. Et c’est là la réalité de ce que nous vivons. Lorsque nous repartirons chez nous ce soir, nous aurons toujours le même fardeau que nous avions en partant pour cette célébration. Mais il sera enveloppé de la tendresse et de la miséricorde de Dieu, de sa paix et de sa joie. C’est en nous consolant que Dieu nous aide à entretenir un rapport pacifié à notre passé et qu’il nous ouvre un avenir. Cela ne supprime pas le devoir de justice et de réparation que nous pourrions avoir à accomplir, bien au contraire, la miséricorde nous en donne la force.

Sur ce point de la réparation, faisons un détour sur la prudence dans la révélation nos faiblesses. Il ne s’agit pas nécessairement de nous déculpabiliser facilement en révélant à telle ou telle personne nos fautes. Les autres ne sont pas notre poubelle. Si j’ose dire, les prêtres sont là pour cela. Et c’est parfois la croix du pénitent que de porter discrètement la mémoire de son péché. Nous voyons ici combien culpabilité et remords peuvent faire bon ménage.

J’ai évoqué aussi l’autre fruit de l’Indulgence, celui de nous faire passer de l’humiliation à l’humilité.

Il y a deux sortes d’humiliation : celle que nous subissons en raison de la maltraitance d’autres personnes et celle que nous éprouvons en raison de nos fautes personnelles. Je n’ai pas le temps de traiter ici de la première des deux. Elle n’est pourtant pas négligeable.

Mais nous éprouvons aussi une forme d’humiliation lorsque, habités d’une conscience personnelle et éclairée, nous nous apercevons que nous avons encore faibli sur tel ou tel point de notre vie. Nous pourrions presque dire que le péché est une forme de maltraitance que nous nous infligeons à nous-mêmes. Comment se fait-il que l’adulte informé que je suis en soit encore là ? C’est que, frères et sœurs, le démon agit toujours de la même façon : comme un chef de guerre il attaque constamment sur notre point faible. C’est pour cela qu’il est prévisible. C’est aussi pour cela que l’on peut essayer de limiter les circonstances qui provoquent toujours les mêmes effets. C’est tellement vrai que souvent les pénitents disent aux prêtres : « A quoi ça sert de se confesser, je fais toujours la même chose ? » Ce à quoi je réponds invariablement : « Vous voudriez faire tous les autres, histoire de changer ? ». Heureusement, jamais personne ne m’a dit que c’était une bonne idée.

Même Saint Paul évoque cela dans la seconde lettre aux corinthiens (2 Co 12, 7). Il évoque un ange de Satan chargé le souffleter pour éviter qu’il ne s’enorgueillisse. Cette faiblesse qui est la sienne, et peu importe ce qu’elle est, il l’a interprétée comme un rempart contre l’orgueil, un chemin pour l’humilité. Non qu’il l’ait souhaité mais c’est la relecture opportune qu’il fait de cette expérience douloureuse. C’est dans la miséricorde de Dieu qu’il reçoit l’humilité nécessaire à son ministère.

Cependant, si pour être humble, il faut commencer par être pécheur, je trouve que c’est embarrassant. C’est en contemplant la vie de la Vierge Marie que l’on peut progresser. Marie, dans son Magnificat, affirme qu’elle fait partie des sauvés et que ce qu’elle est, la femme choisie pour être la mère du Sauveur, elle ne le doit à aucun de ses mérites. Elle se présente aussi comme l’humble servante du Seigneur. Or son humilité, nous le croyons, elle ne la doit pas à l’expérience de ses faiblesses. Elle est l’Immaculée conception et elle a su préserver la grâce qui lui a été faite jusqu’à la fin de sa vie. En fait, si Marie est humble, c’est parce qu’elle est toujours demeurée dans l’attitude du service. Elle est l’humble servante parce que servante.

Voilà, chers frères et sœurs le chemin désirable de l’humilité qu’il nous faut cultiver. Servir une fois, c’est assez facile et même gratifiant. Mais servir tous les jours avec constance dans le don de soi, c’est une autre paire de manches !

Puissions-nous au cours de cette année sainte du 2025 anniversaire de la naissance du Christ le fidèle serviteur, le serviteur souffrant, apprendre de l’humilité du Fils de Dieu et de sa mère pour mettre nos pas dans les leurs. C’est véritablement dans la contemplation de la vie du Christ et de sa mère que nous trouverons la source d’une espérance, « une espérance qui ne déçoit pas ».

Amen.

Vivre le Jubilé 2025 au sanctuaire Notre-Dame de Montligeon

Les soirées diocésaines du Jubilée 2025

Les soirées diocésaines et paroissiales du Jubilé auront lieu un mercredi par mois de 20h30 à 21h30. Elles auront lieu dans chacune des 10 paroisses sur place ou en direct sur YouTube “Diocèse de Séez”.

  • Mercredi 15 janvier 2025, 20h30, L’Aigle, nouvelle salle de la Maison Paroissiale, P. Loïc Gicquel des Touches, bibliste, le Jubilé, ses fondements bibliques et son sens prophétique. Plus qu’un rituel, plus que des commandements à appliquer à la lettre, le Jubilé nous oriente solidement vers un à-venir, dans l’espérance qui est la nôtre, que réalisera le Christ, et vers lequel, pèlerins d’espérance, nous marchons.
  • 5 février, Mortagne-au-Perche, Maison Paroissiale, P. Charles Lenoir, délégué à la Vie consacrée, la Joie. “Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit complète.” (Jean, 15, 11).
  • 19 mars, Flers, rotonde, P. Guy Lenormand, l’Espérance, malgré tout. Depuis « l’acte d’espérance » que nombre de nos générations ont mémorisé, nous avons appris que l’espérance était plus large qu’un objectif à atteindre, qu’un espoir à réaliser. Nous tenterons de nous repérer dans nos sursauts, nos résistances, pour dégager notre horizon (en nous appuyant sur Péguy, bien sûr, Georges Bernanos aussi, Jacques Ellul, et quelques autres)
  • 2 avril, Alençon, Chapelle Maison Martin, Guy Fournier, diacre, la sainteté : un projet de vie au quotidien pour tous.
  • 14 mai, Bellême, église Saint-Sauveur, P. Henry de Sainte Preuve, le Sacré-Coeur, à l’écoute de saint Jean Eudes (100 ans canonisation) et du pape François.
  • 4 juin, Domfront, église Saint-Julien, P. Jacques Roger, écrivain, l’Espérance au cœur, dans un monde anxieux et une Église blessée.
  • 10 septembre, Sées, cathédrale, P. Olivier Prestavoine, liturgiste, l’Action de grâce.
  • 8 octobre, Argentan, nouvelle Maison Paroissiale, P. Pierre-Yves Emile, l’humilité.
  • 5 novembre, Vimoutiers, Maison Paroissiale, P. Pascal Durand, missionnaire, l’annonce de l’Evangile là-bas et ici.
  • 10 décembre, La Ferté Macé, Centre Pastoral Sainte Bernadette, P. Christophe Peschet, Parlons de foi avec humour. Soirée de clôture.

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