Homélie des Rameaux – Don Patrick Pinard Legry

Nous venons de l’entendre : autour de Jésus, tout se resserre humainement. À vue humaine, il n’y a pas d’issue. Tout semble perdu. Hérode et Pilate, jusque-là ennemis de par leur fonction, deviennent amis. Ils s’allient contre Jésus pour le condamner. Un véritable étau se referme sur lui. Ses apôtres, qu’il avait pourtant choisis, s’en vont et le laissent seul face au mystère du mal qu’il affronte. Nous l’avons entendu : si une partie du peuple l’accompagne et se lamente sur lui, Jésus les invite, non pas à pleurer sur lui, mais à pleurer sur eux-mêmes. « Filles de Jérusalem, pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants. » Nous sommes confrontés à l’incompréhension, au péché des hommes. Jésus nous invite à nous tourner vers nous-mêmes, non pas pour nous replier, ni pour nous enfermer dans la culpabilité, mais pour méditer sur le mystère du péché. Ce péché qui, par sa grâce, peut être vaincu. Ce péché dont il nous sauve.

Nous pouvons alors nous poser cette question : que provoque en nous cette Passion ? Sommes-nous simplement émus, apitoyés ? Ou bien cette Passion vient-elle réveiller quelque chose de plus profond, qui appelle un changement intérieur ? C’est à cela que Jésus appelle les filles de Jérusalem. Il ne rejette pas leur compassion parce qu’il souffre sur le chemin de croix. Bien au contraire. Il se laissera approcher par Véronique, qui essuie son visage couvert de sueur et de sang. Il se laissera approcher par Simon de Cyrène, qui l’aide à porter sa croix.

Mais plus encore : comme Véronique, comme Simon, c’est le Seigneur lui-même qui vient à notre rencontre. C’est lui qui vient nous aider. C’est lui qui vient transformer nos cœurs. Jésus nous montre ce que provoque en lui tout ce mal : le pardon. « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Et c’est cela qui est si étrange. Jésus, face à ce mystère du mal, ne se replie pas sur lui-même. Il ne se renferme pas. Il continue de se donner jusqu’au bout. Il va au-delà de l’amour, au-delà du don. Il donne sa vie. Alors posons-nous cette question : est-ce que je suis ouvert au pardon du Christ ? Ce pardon provoque-t-il une ouverture de mon cœur ? Et, par conséquent, une ouverture envers mes frères ?

Prenons un exemple très concret : l’aumône que nous avons essayé de pratiquer pendant ce Carême. L’avons-nous faite pour accomplir un simple précepte ? Un rite ? Une obligation, parce que « c’est dans l’œuvre de Carême » ? Ou bien cette aumône a-t-elle changé quelque chose en moi ? M’a-t-elle ouvert à une vraie attention à l’autre ? À la misère qu’il porte en lui ? Comment est-ce que je regarde l’autre ? Est-ce que je m’apitoie simplement ? Ou est-ce qu’au fond de moi, mon regard, mon cœur changent ? C’est cela que nous venons demander au Seigneur au seuil de cette Semaine sainte : être transformés.

Année après année, nous revivons cette Passion. Nous connaissons la vie liturgique, nous connaissons la vie du Christ. Pour certains, c’est la soixante-dixième, la quatre-vingtième fois que ces textes résonnent dans nos oreilles. Et pourtant, il y a toujours quelque chose à redécouvrir. Toujours un appel à reprendre le chemin, pour nous permettre d’avancer vers le pardon du Christ.

Demandons au Seigneur d’ouvrir notre cœur à son pardon. Qu’il ouvre notre regard et notre cœur à l’autre, pour que nous l’aimions comme le Christ l’a aimé. En dépassant le simple respect humain, comme lui-même a dépassé le regard simplement humain, là où tout semblait perdu.

Amen.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *