Isabelle et Alain : la mort d’un enfant

François est décédé à vingt ans d’un cancer des os. Isabelle et François, ses parents, racontent sa maladie, la perspective de sa mort et le soutien de ses proches. Puis ils évoquent sa mort, le retour au travail quand on est en deuil et le réconfort de la messe qui est « le ciel sur la terre ».

La perspective de la mort d’un enfant

Très vite, François a été confronté à la perspective de la mort mais, remarque sa maman : « Le paradoxe c’est qu’il est resté fidèle à lui-même, un garçon bien dans ses baskets, aimant la vie, ses amis, les soirées… » Entre deux séjours à l’hôpital, François voit ses amis, sort en boîte, fait des projets, à la plus grande surprise de ses parents qui se demandent comment il fait. L’issue de la maladie leur est pourtant connue. Elle est source d’une angoisse profonde. Mais leur fils « remplit tellement ses journées de vie », qu’ils s’efforcent de le suivre. Il leur confie un jour « Mes amis ne se rendent pas compte que la vie ordinaire c’est extraordinaire !

Se sont-ils révoltés devant l’injustice de cette maladie fatale qui touche un jeune ? « Cela ne sert à rien et cela vous éloigne de la vie », répondent-ils. Alors, au lieu de chercher pourquoi elle leur arrive, Isabelle et Alain se demandent comment vivre cette épreuve tous ensemble, en famille. Ils confient : « Nous avons vu très vite que notre fils s’en remettait à Dieu, qu’il n’en faisait pas toute une affaire, et surtout, qu’il était pris par la main par Dieu. » De fait, quand elle lui rend visite à l’hôpital le jour de la Pentecôte, François lui confie : « Maman je suis presque heureux, je me sens en plénitude ! »

Quand un enfant souffre, la tentation des parents est de le protéger, de lui épargner ses souffrances et de les prendre sur eux. François l’a bien senti. Un jour, il secoue ses parents et leur affirme : « Ce n’est pas votre affaire, cela se passe entre Dieu et moi et j’offre ma souffrance. » Isabelle et Alain réalisent alors que leur fils leur échappe mais surtout que quelqu’un d’autre s’en occupe : Dieu. « Cela nous a beaucoup accompagnés et soutenus. »

La prière et le soutien des proches

Isabelle et Alain prient beaucoup, en particulier Jean-Paul II et Carlos Acutis et ils sont soutenus par différentes communautés et par leurs amis. « La compassion, la bienveillance c’est quelque chose de formidable ! Une main posée sur le bras ou un SMS envoyé le matin pour dire que l’on pense à nous et que l’on prie pour nous, cela peut remplir une journée. Cela peut vous aider à tenir. » Il faut également affronter la souffrance de ne pas être compris parce que la maladie fait peur.  

La mort d’un enfant

Lorsque les médecins les convoquent un jour pour leur annoncer que l’issue se rapproche, Isabelle confie : « Je l’ai vécu comme une sorte de vertige et me suis demandé comment nous allions faire, comment le dire à son frère et à ses sœurs, à la famille, à François ? » Mais ce dernier est déjà dans un état comateux.

Ses parents préfèrent ne rien lui dire. « Annoncer aux quelques amis qui passent à l’hôpital est une épreuve sans nom, et en même temps, on arrive à le faire. Dieu est présent dans nos souffrances extrêmes. Paradoxe de cette force qu’Il nous donne et de la vie humaine qui s’en va. »

Isabelle passe près de lui les trois dernières nuits. Elle voit son fils devenir docile et s’abandonner : « J’ai vu comme quelqu’un qui se prépare à la mort, devient docile et s’abandonne. » Très fatiguée, elle s’accroche à la prière du chapelet, la seule chose qu’elle se sent capable de faire. « En tant que mère, je n’avais plus la force et j’ai senti Marie qui prenait le relais. » Voir son fils mourir est indicible mais sa maman réalise que son fils voit Dieu désormais. Les chrétiens ont beau se préparer à la vie éternelle, cela reste souvent très lointain. Là, elle la touche du doigt.

Avec le recul, Isabelle et Alain témoignent que leur fils malade a été placé devant une alternative : le désespoir et l’espérance. « Et jusqu’au bout, François a choisi l’espérance. »

François est toujours vivant malgré la douleur

Depuis la mort de François, ses parents sont témoins de belles grâces : réconciliation d’un frère et d’une sœur, annonce d’un bébé à venir chez une autre etc. Pour eux, c’est un signe que leur fils est bien vivant, vivant dans leur cœur et aussi dans le ciel. « Lui qui avait peur de s’ennuyer au ciel, nous le prions beaucoup et lui donnons du boulot ! Nos autres enfants nous poussent dans la vie même s’ils restent douloureusement marqués par l’absence de leur petit frère. Ils savent qu’ils devront vivre avec, et en même temps, ils sont portés par François. « Et l’espérance que nous avons un jour, confie Alain, c’est d’arriver là-haut et de trouver François assis à côté du Seigneur et de parler avec lui – peut-être même de foot ! »

Retourner travailler après la mort d’un enfant

Avec un peu de recul, Isabelle et Alain reconnaissent les importantes répercussions psychologiques et physiologiques du deuil. « Il faut beaucoup de temps pour se remettre. François est décédé il y a vingt mois et nous ressentons toujours cette fatigue. » Travaillant tous les deux, ils constatent que ce n’est pas facile : « Il faut composer avec les autres qui n’ont pas vécu cela et qui nous entraînent dans d’autres projets professionnels. Il faut y participer en faisant bonne figure. Cela nous fatigue énormément et nous semble souvent dérisoire. »

Faut-il pour autant ravaler ses larmes ? Au contraire s’exclame Isabelle : « Je pense qu’il faut beaucoup pleurer pour que le corps se vide complètement et que la paix vienne. Mais le deuil reste un combat spirituel dont il est impossible de se sortir avec ses propres forces. Il faut les demander au Seigneur, particulièrement par l’intercession du défunt. »

Un monde qui détourne le regard de la mort

La vie professionnelle reflète une société qui ne veut pas voir la mort. « Celle d’un jeune est un scandale, remarque Alain. Elle est incompréhensible, irrationnelle, injuste. Il est donc difficile d’en parler et de parler du mal qui rôde autour de nos vies. Au boulot, il y a à la fois des gens qui ont été formidables et d’autres qui n’ont pas dit un mot. Chez les chrétiens, il y a parfois la tentation de dire un peu trop vite :  » il est heureux au ciel, la vie continue, le temps fera son œuvre, etc… » Mais la présence de la douleur est un antidote contre l’oubli; elle est le lien avec François, celui du souvenir. »

« La messe, c’est le ciel qui descend sur la terre »

À travers cette épreuve, Isabelle et Alain ont senti le besoin de s’ancrer dans une vie de prière plus forte. Ils font régulièrement dire des messes pour François, vont à l’adoration, à la messe. « Elle est devenue très importante, tout simplement parce que c’est comme le ciel qui descend sur terre, confie Isabelle. J’ai l’impression de retrouver mon fils parce que, même si on est croyant et que l’on croit à la vie éternelle, la douleur de la séparation reste quelque chose de déchirant. Nous trouvons un réconfort dans l’union avec Jésus. C’est quelque chose qui nous est apparu très fortement ces derniers mois. »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *