La prière de l’Église pour les défunts

Mgr Olivier de Cagny, évêque d’Évreux, propose d’approfondir le sens de la prière de l’Église pour les défunts au cœur de la messe. À partir des prières eucharistiques et du memento des morts, il montre comment la liturgie porte la mémoire de ceux qui ont quitté ce monde et les confie à la miséricorde de Dieu. En s’appuyant sur l’Écriture (deuxième livre des Maccabées, bon larron, psaumes), sur la tradition (concile de Chalon-sur-Saône, enseignement de Vatican II) et sur le témoignage de sainte Monique rapporté par saint Augustin, il éclaire les expressions liturgiques qui parlent des défunts comme « serviteurs », « frères et sœurs », « endormis dans l’espérance de la résurrection ». Il développe enfin les images de repos, de paix, de lumière et de participation à la résurrection du Christ, pour présenter la grande espérance chrétienne : être accueillis dans le Royaume. « Voir la mort comme un appel de Dieu, cela nous permet de comprendre que la vie ne s’arrête pas, qu’elle continue avec Dieu. »

Conférence de Mgr Olivier de Cagny évêque d’Évreux, pour la solennité du Christ roi de l’univers, le 23 novembre 2025 au sanctuaire Notre-Dame de Montligeon.

Voilà, on vous distribue une feuille qui comporte, en cinq colonnes, des extraits des prières eucharistiques, la grande prière que dit le prêtre, au cours de laquelle se situe, bien sûr, la consécration. Mais vous savez, la consécration, c’est un peu comme la clé de voûte : elle fait tenir tout le reste, mais tout le reste de la prière est important aussi. Et, au cours de cette prière de la messe, nous prions pour nos défunts. Alors que l’Esprit Saint nous aide, cet après-midi, à mieux comprendre encore cette prière de l’Église pour les défunts.

La messe

Vous le savez, dans l’Évangile et dans la première lettre aux Corinthiens, on nous décrit la Cène et les paroles de Jésus. On nous dit qu’il a rendu grâce au cours de la sainte Cène, le Jeudi saint au soir. Il rend grâce comme tous les juifs le font dans un repas pascal, dans le repas de la Pâque. Et au cours de ce repas, Jésus donne son corps et son sang. Il donne le prototype, l’exemple, le modèle de toutes les messes du monde entier jusqu’à la fin des temps. Dans cette grande prière d’action de grâce – c’est-à-dire que l’on dit merci à Dieu, que l’on fait de toute cette prière un immense merci à Dieu –, au cœur de cette prière, comme c’est le cas, je crois, dans toute prière, là où il y a un « merci », il y a aussi un « s’il te plaît ». Pourquoi ? Parce que c’est typique de toute prière chrétienne : je rends grâce à Dieu et je contemple tellement ce qu’il a fait pour moi que j’ai envie de lui dire : « Continue, s’il te plaît, à me donner, à nous donner tes grâces. »

C’est ce qui se passe dans la messe. Dans la messe, nous rendons grâce à Dieu, nous remercions Dieu. D’ailleurs, toutes les prières eucharistiques commencent ainsi : « Vraiment, il est juste et bon de te rendre grâce… », « Nous te rendons grâce, Dieu notre Père… » Vous entendez cela à la messe : on rend grâce. Et, en même temps, dans la suite de la consécration, nous demandons à Dieu des choses pour les défunts et pour les vivants. Pour les défunts, c’est cela qui nous intéresse cet après-midi.

Les prières eucharistiques

Toutes les prières eucharistiques – il y en a beaucoup dans le monde – comportent une prière pour les défunts. Nous, dans notre missel, nous en avons quatre principales. Vous avez remarqué que le prêtre choisit parfois l’une, parfois l’autre. On entend souvent la deuxième, ou la troisième ; la première et la quatrième un peu moins souvent, mais elles sont très belles aussi. Donc, dans ces quatre prières, toute prière eucharistique, sauf exception, comporte une prière pour les défunts. On l’appelle parfois le memento des défunts. Vous savez ce que veut dire memento ? Ce n’est pas seulement un petit calepin où l’on note ce qu’on a à faire ; memento, en latin, veut dire « souviens-toi ». Et nous allons dire à Dieu : « Souviens-toi de nos morts. » Le memento des défunts.

Déjà à la cour de Charlemagne, on trouve cette tradition. Au début du IXᵉ siècle, il y avait, à la cour de Charlemagne, des moines qui s’occupaient beaucoup de la liturgie, de la célébration de la messe et des sacrements. Un certain moine, qui s’appelle Alcuin, avait insisté pour que l’on mette dans la messe ces prières pour les défunts. Et il y a un concile à Chalon-sur-Saône, en 813. Cela fait donc plus de 1200 ans qu’un concile a dit : « Désormais, dans toutes les messes, on va prier pour les défunts, on va prier pour les morts à toutes les messes. » Pas seulement parce que nous avons cela dans le cœur quand nous venons à la messe, mais parce que cela fait partie de la mission de l’Église de prier pour ceux qui sont partis.

Deuxième livre des Maccabées

Si c’est demandé dans un concile en 813, cela ne veut pas dire que c’est une nouveauté. Rappelez-vous que, dans l’Ancien Testament déjà, dans le deuxième livre des Maccabées, on voit des hommes qui ont livré un combat, une guerre, et qui ont volé des choses aux habitants des villages qu’ils traversaient. Ils sont morts, et l’on a peur qu’ils soient condamnés par Dieu. Alors, on offre un sacrifice pour ceux qui sont morts, parce qu’on sait qu’ils ont été pécheurs, qu’ils n’ont pas été justes dans leur conduite. On célèbre un sacrifice pour eux.

Quand on célèbre un sacrifice, on offre quelque chose à Dieu pour le remercier, pour lui demander pardon. Là, on prie pour quelqu’un d’autre, pour quelqu’un qui est mort, parce qu’on sait qu’il a commis des péchés et que l’on veut prier pour lui, pour que Dieu l’accueille dans son Royaume. L’Évangile aussi nous laisse, bien sûr, l’exemple de cette prière pour les morts, quand le bon larron implore le Christ en ces termes : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras avec ton Royaume. »

Souvenez-vous de moi à l’autel du Seigneur, où que vous soyez

Vous connaissez sainte Monique, la mère de saint Augustin ? Sainte Monique, la mère de ce grand saint, l’un des plus grands théologiens de toute l’histoire de l’Église, saint Augustin. Saint Augustin nous raconte la mort de sa maman. Il écrit ceci en parlant de sa mère qui évoque sa mort prochaine. Elle sent que sa mort va venir, et elle évoque ses funérailles. Elle dit à son fils, saint Augustin :

« Enterrez mon corps n’importe où. Ne vous troublez pas pour lui d’aucun souci. Tout ce que je vous demande, c’est de vous souvenir de moi à l’autel du Seigneur, où que vous soyez. »

Ce qui soucie sainte Monique, ce n’est pas tellement l’endroit du cimetière. On peut bien sûr s’y intéresser ; c’est légitime, c’est très beau de trouver un lieu où notre corps va reposer, un lieu beau, un lieu où les gens auront envie de prier. Mais pour sainte Monique, ce n’est pas très important. Elle est morte loin de son habitation, et ses fils sont gênés : « Mais où est-ce qu’on va t’enterrer ? Nous ne pourrons peut-être pas faire le voyage… » Elle leur répond : ne vous inquiétez pas pour le lieu de ma sépulture. « Il y a une chose que je vous demande : c’est de vous souvenir de moi à l’autel du Seigneur, où que vous soyez. »

Après les obsèques de sa mère, Augustin écrit encore ceci : à l’approche du jour de sa délivrance, elle n’a pas eu la pensée de faire envelopper somptueusement son corps, ni de le faire embaumer dans les aromates, ni le désir d’un monument de choix, ni le souci d’un tombeau dans sa patrie. « Ce n’est pas cela qu’elle nous recommanda, mais seulement de faire mémoire d’elle à ton autel. » Augustin, quand il écrit ses Confessions, s’adresse à Dieu ; il dit donc : « à ton autel », l’autel de Dieu. « Voilà, c’est la seule chose que notre mère nous a demandée : seulement de faire mémoire d’elle à ton autel, Seigneur. »

Ce fut son désir, car, sans manquer un seul jour, elle avait servi cet autel. Elle allait à la messe tous les jours. Elle a servi cet autel, sachant que là se distribue l’hostie sainte, qui a aboli la condamnation portée contre nous et qui a triomphé de l’ennemi. Ce sont les mots de saint Augustin. Voyez : c’est le sacrifice de Jésus qui nous a obtenu le pardon de nos péchés. Voilà ce que sainte Monique demandait : que l’on se souvienne d’elle pendant la messe. D’où la belle tradition, qui dure encore aujourd’hui – et qui, j’espère, durera toujours – d’offrir des messes pour les défunts. Donc oui, nous prions Dieu pour les morts.

Nous nous adressons au Père

Je voudrais maintenant parcourir les textes que vous avez sous les yeux pour noter quelques petites choses. La première, c’est : à qui s’adresse-t-on ? Vous savez que, dans la messe, on s’adresse principalement à Dieu le Père, par son Fils, dans la puissance de l’Esprit Saint, en étant guidé par l’Esprit Saint. Mais on s’adresse au Père. N’oubliez pas le Père.

Nous pensons souvent à Jésus, et c’est bien, c’est normal, c’est chrétien, c’est christique. Mais n’oublions pas que Jésus nous fait connaître le Père. C’est plus difficile : à part le « Notre Père », nous ne pensons pas toujours spontanément au Père dans notre prière. Je ne sais pas à qui vous pensez quand vous dites « Seigneur » : pensez-vous à Jésus ? Oui, sûrement, souvent. Pensez-vous, de temps en temps, au Père ? Au Père de Jésus et notre Père, le Créateur de l’univers, celui de qui tout vient ? Dans la prière eucharistique, dans la prière de la messe, nous nous adressons au Père, de qui vient la vie.

Tout à l’heure, pendant la messe, j’ai essayé d’insister sur ces mots, au début de la prière eucharistique III : « Tu es vraiment saint, Dieu notre Père, et il est juste que toute la création proclame ta louange, car c’est toi qui donnes la vie, c’est toi qui sanctifies toutes choses par ton Fils, dans l’Esprit Saint. » C’est toi qui donnes la vie. De temps en temps, y compris quand nous pensons à nos défunts, tournons-nous vers le Père et disons-lui : « Père. » Et regardons toute la création, toute la nature, toutes les merveilles du monde, en lui disant : « Père, c’est toi qui donnes la vie au monde, aux plantes, aux animaux, au ciel, aux étoiles, et à moi, et à mes parents qui sont morts, ou à mes grands-parents, à mon époux, mon épouse, à mes enfants, mes frères et sœurs, mes amis. C’est toi qui donnes la vie. »

Si c’est toi qui donnes la vie, Seigneur, tu ne vas pas la détruire. Elle va être transformée, mais tu ne vas pas la détruire. Le Père est l’origine de la vie. Déjà cela nous gonfle le cœur d’espérance. Nous nous adressons au Père qui donne la vie, la vie éternelle. Il donne même sa propre vie, qu’il communique éternellement à son Fils, et son Fils nous la transmet. Et c’est le cœur de notre foi chrétienne.

Nous nous adressons donc au Père, alors que nous célébrons, à la messe, le sacrifice de son Fils : le fait que Jésus, son Fils, offre sa vie à son Père. Non seulement le Père nous donne la vie, mais, à la messe, c’est aussi le Fils qui redonne sa vie à son Père. D’où l’action de grâce : nous rendons grâce. La grâce, c’est le don gratuit de Dieu, le don gratuit qui tombe du ciel. L’action de grâce, ou « rendre grâce », cela veut dire : se mettre devant Dieu et lui dire : « C’est tellement beau, la vie que tu m’as donnée, que je te la rends. » C’est Jésus qui fait cela pour nous. Et en faisant cela, il nous entraîne dans son offrande.

Jésus donne sa vie au cœur du sacrifice eucharistique, du sacrifice de la messe. Alors que nous célébrons le don de la vie qui descend du Père vers le Fils, puis remonte du Fils vers le Père, nous sommes pris dans ce mouvement, nous aussi, avec nos défunts. Ils sont là, dans ce mouvement d’échange de vie : la vie qui vient de Dieu et qui retourne à Dieu. Parfois, dans des faire-part de décès ou de funérailles, on lit : « Il est retourné à Dieu », « Elle est retournée à Dieu ». C’est vrai. C’est beau : notre vie vient de Dieu et retourne à Dieu.

Dans la messe, c’est le même mouvement : la vie de Dieu descend vers nous, et nous offrons notre vie à Dieu. Rappelez-vous ce que nous disons à la fin de la prière eucharistique : « Par lui, avec lui et en lui, à toi, Dieu le Père tout-puissant, dans l’unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles. » Nous rendons tout à Dieu, nous présentons tout à Dieu : toute notre vie, notre vie présente, notre vie passée, notre vie future, jusqu’à l’heure de notre mort, comme nous le disons à la fin du « Je vous salue Marie ».

La mort, notre ultime cadeau

Au cours de la prière eucharistique, nous disons aussi : « Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire. » Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire, à toi, le Père. Cela ne dit-il pas quelque chose de nos défunts ? L’Esprit Saint est capable de faire de nous – pas seulement d’un petit cadeau que nous ferions à Dieu, mais de nous-mêmes, de notre personne – un cadeau pour Dieu. La mort, n’est-ce pas notre ultime cadeau que nous offrons à Dieu, pour le remercier de nous avoir donné la vie ? Je sais bien que, dans le deuil, la souffrance, la tristesse, la dureté de la séparation, il est parfois très difficile de penser les choses ainsi. Pourtant, c’est bien cela qui se passe : notre vie n’est pas anéantie à la mort, elle est transformée, elle est entièrement retournée vers Dieu.

Venons-en maintenant aux textes eux-mêmes. Nous disons, dans plusieurs prières : « Souviens-toi. » Nous disons à Dieu : « Souviens-toi de nos morts. » Est-ce que Dieu aurait la mémoire courte ? Est-ce qu’il aurait des oublis ? Vous savez bien que, dans la Bible, dans les psaumes, on emploie des mots humains pour parler de Dieu ou de son attitude : on dit qu’il est patient, qu’il se met parfois en colère, etc. On dit des choses sur Dieu qui ressemblent à des attitudes humaines. Cela ne veut pas dire que Dieu est limité comme un homme : il est infini, éternel, tout-puissant. Mais nous lui parlons avec notre langage – et c’est lui qui nous l’a donné. Il nous a donné les psaumes, et dans les psaumes nous disons : « Souviens-toi, Seigneur. Souviens-toi de nous. » Vous entendez cela quelquefois dans les psaumes à la messe ou dans l’office : « Souviens-toi, Seigneur. » Par exemple, dans le psaume 24 : « Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours. »

C’est très typique de la prière chrétienne. Nous disons à Dieu : « Ce que tu as fait, Seigneur, est si beau que je te demande de continuer. » C’est un peu cela : « Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours », qui est pour toujours. Ou bien, dans un autre psaume, le psaume 113 : « Le Seigneur se souvient de nous, il bénira. » C’est la certitude du psalmiste, de celui qui chante le psaume et l’annonce à ceux qui l’entourent : le Seigneur se souvient de nous, il ne nous oublie pas, c’est sûr. Il va nous bénir, c’est-à-dire nous donner son bien, continuer de nous donner son bien. Le Seigneur ne nous oublie pas.

Souviens-toi de nous, Seigneur

Je dis souvent cela à des personnes qui sont frappées par des malheurs, ou agressées par des ennuis de « l’adversaire », ou par des difficultés particulières, graves : « Le Seigneur ne vous abandonne pas, c’est sûr. Il ne vous lâche pas. » Parfois, nous sommes dans le tunnel, mais c’est peut-être là qu’il nous tient encore plus, justement, dans ces moments-là, dans les ténèbres. Il ne nous lâche pas. « Souviens-toi de nous, Seigneur. » Nous lui demandons de se souvenir, comme le bon larron a demandé à Jésus : « Souviens-toi de moi quand tu viendras avec ton Royaume. » Et sainte Monique disait à saint Augustin : « Je vous demande de vous souvenir de moi. »

Parce que ce n’est pas seulement à Dieu que nous demandons de se souvenir. C’est très présent dans notre esprit, dans notre cœur quand nous avons perdu quelqu’un, nous nous en souvenons.  Nous mettons une photo sur la cheminée, nous gardons un album, nous allons au cimetière ; nous avons des petits objets qui évoquent la personne qui est partie. Nous nous souvenons, c’est-à-dire que nous pensons au passé. Mais pour Dieu, ce souvenir, ce n’est pas seulement penser au passé ; c’est faire en sorte que tout ce qu’il y a de beau dans le passé continue d’une autre manière. « Souviens-toi, Seigneur », cela veut dire : « Voilà ce que tu as fait pour telle ou telle personne qui est morte et que je pleure ; ce que tu as fait pour elle dans cette vie terrestre, déploie-le maintenant qu’elle est partie vers toi. Continue ton travail de grâce pour elle. »

Si c’est une personne qui était très sainte, nous dirons à Dieu : « Souviens-toi de tout ce qu’elle a fait de bon. » Si c’est une personne qui nous a semblé, de notre point de vue, plus éloignée de Dieu – et nous ne sommes jamais totalement juge, Dieu seul juge –, nous pouvons lui dire simplement : « Souviens-toi de lui, souviens-toi d’elle, parce qu’il, parce qu’elle est ta créature bien-aimée. Tu l’as créée à ton image et à ta ressemblance. Tu veux faire de lui, d’elle, un saint ou une sainte, c’est sûr. Alors souviens-toi de ton projet, ton projet d’origine : ne l’abandonne pas. Souviens-toi. »

La messe pour les défunts

Ainsi, nous disons « souviens-toi » dans les prières eucharistiques I, II et III. Puis vient, dans votre feuille, la grande colonne – la quatrième – qui donne l’intercession propre aux messes des défunts. C’est tout un passage que l’on peut ajouter dans la messe quand ce sont des funérailles, ou quand la messe est célébrée tout spécialement pour les défunts, ou encore le 2 novembre, par exemple.

Les morts, qui sont-ils ? Vous allez me dire : c’est facile, ce sont ceux qui ont terminé leur vie terrestre.
Oui. Mais comment les prières eucharistiques parlent-elles des morts ? Elles n’emploient pas tant le mot « morts ». Regardez : dans la prière eucharistique I, nous lisons : « Souviens-toi, Seigneur, de tes serviteurs et de tes servantes. » Intéressant : « tes serviteurs et tes servantes ». Nous prions pour ceux qui sont serviteurs de Dieu, qui l’ont servi pendant leur vie ; nous parlons donc des chrétiens, de ceux qui s’associent au plan de Dieu, qui participent au projet de Dieu.

Dans les prières II et III, nous parlons de « nos frères et sœurs ». C’est bien, nous sommes une famille, les enfants de Dieu, une famille de fils et de filles de Dieu. Quand nous prions pour nos défunts, même si ce sont des cousins éloignés, des voisins, ce sont des frères et des sœurs.

Les non-baptisés ?

Alors vous allez me dire : « Et les non-baptisés ? » Les non-baptisés sont appelés à entrer dans cette famille, puisque c’est le projet de Dieu pour tout homme : que tout homme puisse le connaître, l’aimer et vivre de sa vie. Pendant cette vie terrestre, ils ne sont peut-être pas passés par le baptême ; mais peut-être qu’au moment de la mort, ils ont vécu une forme de baptême. En tout cas, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tout homme, à toute femme, la possibilité d’être associé à la croix et à la résurrection de Jésus. C’est le Concile Vatican II qui nous le rappelle : puisque la vocation de l’homme est unique, c’est-à-dire divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une manière que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal, à la Pâque de Jésus.

La manière que nous connaissons, nous, c’est le baptême, qui fait de nous des frères et sœurs du Christ. Dieu connaît peut-être d’autres chemins possibles, sûrement. En tout cas, c’est notre espérance, c’est notre foi. Ici, lorsque nous parlons des « frères et sœurs », nous pensons aussi à tous les hommes, puisque nous élargissons ensuite à « tous ceux qui se sont endormis ».

Nous appelons nos défunts, dans la prière eucharistique III, « nos frères et sœurs défunts ».
Le mot « défunt » vient d’un mot latin qui signifie « celui qui a accompli, achevé sa vie ».
Cette vie terrestre est finie ; nous en prenons acte, et nous parlons de ceux qui sont partis, qui ont arrêté leur vie terrestre. Nos textes vont plus loin encore dans la précision. Dans la prière eucharistique III, nous lisons : « Ceux qui ont quitté ce monde et trouvent grâce devant toi. » Autrefois, on disait : « Ceux qui ont quitté ce monde et dont tu connais la droiture. » C’est un passage difficile à traduire du latin, qui dit – si l’on traduit précisément – : « Ceux qui, te plaisant, sont passés en dehors de ce monde. » Ceux qui t’ont plu, qui t’ont fait plaisir, et qui sont passés dans le monde de l’au-delà de la mort.

Nous demandons donc à Dieu que nos défunts trouvent grâce devant lui, c’est-à-dire trouvent la miséricorde, le pardon de Dieu, son amour gratuit. Que l’amour les accueille, alors qu’ils sont partis de ce monde.

Ceux qui nous ont précédés, marqués du signe de la foi

Nous parlons aussi de « ceux qui nous ont précédés, marqués du signe de la foi ». Dans la prière eucharistique I, colonne 1 : « Ceux qui nous ont précédés, marqués du signe de la foi. » Ils nous ont précédés : nous marchons sur le même chemin. J’aime bien penser, en ce moment, aux catéchumènes comme à des gens qui sont sur la bretelle d’entrée de l’autoroute. Nous, nous sommes sur « l’autoroute du ciel », comme disait Carlo Acutis pour parler de l’Eucharistie. D’autres arrivent des petites routes et sont en train d’entrer sur l’autoroute. Ils rejoignent un grand peuple qui marche depuis Abraham – et même avant – avec tous les saints, et qui avance vers le Royaume.

Il faut penser à nos morts comme à ceux qui nous ont précédés, qui sont quelques « kilomètres » devant. Mais nous sommes sur la même route, la route qui ouvre à la vie éternelle, qui conduit au Royaume. « Marqués du signe de la foi », cela veut dire : baptisés, marqués du signe de la croix, du signe de la foi, celui que l’on trace au moment du baptême, pour être marqués par la croix du Christ et sa résurrection.

Ceux qui se sont endormis dans l’espérance de la résurrection

Certaines prières parlent aussi du sommeil. La prière eucharistique II parle de « ceux qui se sont endormis dans l’espérance de la résurrection ». « Endormis » : cela peut nous paraître bizarre, voire choquant, car nous savons bien, nous qui avons perdu quelqu’un de chair, que ce n’est pas un sommeil dont on se réveille, ici-bas. Mais ils se réveilleront un jour, quand tous nous nous réveillerons au son de la trompette – comme le dit l’Écriture – dans la résurrection.

Donc, c’est un sommeil. Lorsque Jésus va guérir la fille de Jaïre, il entre dans la maison et dit aux gens : « Ne vous inquiétez pas, elle dort. » Tout le monde se moque de Jésus. Mais Jésus sait bien que la mort est un sommeil, même si la petite fille ne dormait pas simplement pour faire la sieste, mais était vraiment morte. Pour Jésus, il en parle comme d’un sommeil : « Ne vous inquiétez pas, elle n’est pas morte, elle dort. »

La prière eucharistique II parle de « ceux qui se sont endormis dans l’espérance de la résurrection ». C’est le « sommeil particulier » de la mort. Une autre prière dit : « Ceux qui dorment dans la paix. » C’est la prière eucharistique I : « Ceux qui nous ont précédés, marqués du signe de la foi, et qui dorment dans la paix. »

La paix

La paix du repos, par rapport à la vie terrestre qui est agitée, compliquée, fatigante. Nous en faisons tous l’expérience, plus ou moins, et nous nous disons : « La mort sera un repos. »
En fait, nous ne ferons plus rien d’extérieur, de fatigant. Ce n’est pas pour autant qu’il faut souhaiter la mort plus vite, bien sûr, mais nous pouvons voir la mort comme un repos, une paix, après l’agitation de ce monde soumis aux aléas de la nature, au vent, au froid, aux catastrophes naturelles. Il n’y aura plus cela : ce sera le repos, la paix. Requiem, cela veut dire « repos » en latin.

Rappelons-nous que c’est ainsi que Jésus ressuscité salue ses disciples, lorsqu’il leur apparaît : « La paix soit avec vous. » Jésus promet déjà cette paix dans ce monde : c’est la paix qui vient de lui, ressuscité. C’est le don du Ressuscité, de celui qui sait ce qu’est le repos en Dieu après la mort. Cela signifie aussi qu’au Royaume il n’y aura plus de guerre, plus de tension, plus de dispute. Parfois, lorsque nous pensons à des défunts avec qui nous nous sommes disputés, nous sommes très tristes de ne pas avoir eu le temps de nous réconcilier.

Mourir en paix

Je vous confie quelque chose qui m’est arrivé. J’avais une filleule – ce n’est pas une nièce, mais une jeune fille – qui était née de parents qui vivaient dans la rue et que nous avions recueillis dans ma paroisse. Comme son père était alcoolique et qu’il avait été dur en paroles avec sa fille, elle ne voulait plus le voir. De 12 à 18 ans, elle a refusé de le voir.

Quand elle a eu 18 ans, je continuais à voir son papa. Il était à l’hôpital pendant le Covid ; il avait le Covid et un cancer en même temps, à 55 ans. Il était proche de la mort. J’ai appelé ma filleule et je lui ai dit : « S’il te plaît, viens le voir. » Elle a fait 600 km en voiture, elle est venue. En bas de l’hôpital, elle m’a dit : « Non, je n’y arriverai pas. » Je lui ai répondu : « S’il te plaît, tu as fait 600 km pour le voir, il va peut-être mourir. Vas-y. » Elle est montée ; c’était un samedi matin. Elle a eu le courage d’entrer dans la chambre, de voir son papa, encore très conscient mais très faible. Ils se sont complètement réconciliés, ils ont pleuré de joie. Puis elle est repartie chez elle le samedi après-midi. Et il est mort le samedi soir.

Cela ne se passe pas toujours ainsi, mais je pense souvent à cet épisode pour comprendre le sens de cette paix : elle n’est pas seulement le repos après la mort, c’est aussi quelque chose que Dieu peut réaliser, même s’il n’y a pas eu, avant la mort, ce genre de réconciliation visible. Dieu peut la faire après, par notre prière. C’est cela, aussi, la paix dans laquelle nous souhaitons mourir, et dans laquelle nous souhaitons que la personne défunte puisse reposer : la paix au sens du pardon, de la consolation.

Une autre prière parle de « ceux qui reposent dans le Christ ». Ils reposent, mais ce n’est pas seulement que le corps ne bouge plus : ils reposent dans le Christ. Dans le Christ, c’est-à-dire dans ce grand « samedi saint » : le repos du samedi saint, qui est un sabbat. Ce n’est pas pour rien que Jésus meurt un vendredi, que le samedi est le sabbat, l’achèvement de toute la création, le repos de Dieu, et que Jésus repose dans la tombe. Mais ce repos est le prélude au dimanche de la Résurrection, au dimanche de Pâques.

Ainsi, nos défunts reposent dans le Christ, dans cette espérance. Pour eux, nous prions à la messe ; pour eux et pour tous les autres.

Salut du Saint-Sacrement – Pèlerinage du Ciel 23 novembre Mgr-Olivier-de-Cagny
Promesses Pelerinage du Ciel Mgr Olivier de Cagny

Nommer les défunts

Nous prenons souvent la peine, dans la messe, de nommer tel ou tel défunt pour lequel nous célébrons. Soit nous les nommons au début de la messe, soit au début de la prière eucharistique, soit dans la prière eucharistique I, où il est prévu de les nommer : vous avez sur votre feuille des « N. et N. ». N. et N., cela peut être Nicole et Nicolas, mais ce peut être n’importe quels prénoms. Nous prions pour les défunts.

Ne vous inquiétez pas des différences entre paroisses, entre diocèses, selon que l’on les nomme au cœur de la prière ou au début de la messe, ou qu’ils soient simplement inscrits sur la feuille paroissiale. Le prêtre sait très bien pour qui il prie : pour telle et telle personne. C’est cela qui est important.

Que demandons-nous à Dieu pour nos morts ?

Et qu’est-ce que nous demandons à Dieu pour nos morts ? Je vais terminer par là. Nous demandons que nos morts soient accueillis, grâce à la bonté de Dieu, dans le Royaume des cieux. Nous l’exprimons de diverses manières. Nous demandons, par exemple, qu’ils reçoivent – dans la prière eucharistique I – « la joie, la paix et la lumière ». La joie, la paix et la lumière. À vrai dire, en latin, il n’y a pas exactement le mot « joie », mais le mot refrigerium. Cela ferait bizarre en français de dire « le lieu réfrigérant » ! Refrigerium, c’est pour évoquer la douceur. Dans la culture biblique, la fraîcheur est souvent l’expression de la consolation de Dieu, parce qu’on est dans des pays chauds. Le lieu de la fraîcheur, c’est le lieu où Dieu console de la sécheresse, de la dureté, de la chaleur, et où il donne la joie paisible d’être avec lui et de vivre avec lui.

Il faut l’entendre au sens de soulagement, de consolation. Au fond, nous demandons que les peines de cette vie – dues au péché ou, plus simplement, aux limites et faiblesses de la nature humaine, blessée par le péché – reçoivent une guérison définitive. Nous demandons aussi la lumière. La lumière, parce que les ténèbres sont une image de la mort. Nous entrons dans le sommeil, mais aussi dans l’ombre, la pénombre ; nous n’avons pas, ici-bas, connaissance exacte de l’état de la mort. Nous l’exprimons par le mot « ténèbres » ou « pénombre », et nous demandons que les défunts soient accueillis dans la lumière.

Dans la prière eucharistique II, nous ajoutons un mot très beau : « la lumière de ton visage ». Que c’est beau ! Vous savez, il y a des représentations de la crèche où l’on ne voit pas le visage de l’Enfant Jésus : il est dans les bras de sa mère, mais le visage de Marie est tout lumineux, alors que toute la crèche est dans la nuit, avec les étoiles. Le visage de Marie, ou celui de Joseph, est éclairé par le visage de Jésus. En fait, c’est le visage de Jésus qui donne la lumière : c’est une manière artistique de dire les choses.

Être tous ensemble, pour toujours

Dans la prière eucharistique, nous demandons que nos défunts soient accueillis dans la lumière du visage du Christ ressuscité, resplendissant de lumière comme à la Transfiguration : « Accueille-les dans la lumière de ton visage. »

Enfin, dans la prière eucharistique III, nous demandons à Dieu d’accueillir nos défunts dans son Royaume, « où nous espérons être comblés de ta gloire, tous ensemble et pour l’éternité ». Là, c’est le « tout » : la totalité. Que nous soyons « comblés de ta gloire » : la gloire, c’est l’éclat de la lumière divine et de la présence de Dieu, le poids de sa présence dans l’univers. Et nous demandons cela « tous ensemble et pour l’éternité ». Donc : tous, tout le temps. Nous osons demander à Dieu le maximum. Il ne faut pas être chiche avec Dieu, ni trop hésitant ou timide. Il faut tout lui demander : « Nous espérons être comblés de ta gloire, Seigneur, tous ensemble et pour l’éternité. » C’est ce qui nous est promis, et c’est ce que nous demandons : être tous ensemble, pour toujours.

Je termine vraiment, parce que les cloches m’appellent à conclure. Je vous propose de prendre la quatrième colonne, la grande. J’ai imaginé qu’on prie pour quelqu’un, un homme qui est mort – on pourrait dire « celui ou celle », mais j’ai pris le masculin : « Souviens-toi de celui qui a quitté ce monde et que tu appelles auprès de toi. » « Tu l’appelles auprès de toi. » Il est vrai que certaines personnes m’ont dit : c’est dur de dire que « Dieu a rappelé mon enfant auprès de lui ; il aurait pu attendre un peu ». C’est vrai que c’est difficile de le dire ainsi. Mais voir la mort comme un appel de Dieu, c’est aussi beau, parce que cela nous permet de comprendre que la vie ne s’arrête pas, qu’elle continue avec Dieu, et qu’il y a une mission pour la personne. « Tu l’appelles auprès de toi. »

Pelerinage du Ciel Mgr Olivier de Cagny
Pèlerinages du Ciel au sanctuaire Notre-Dame de Montligeon

Seigneur, tu vas nous ressusciter un jour dans la chair

« Puisqu’il a été uni à la mort de ton Fils, accorde-lui de participer à sa résurrection. » Voilà notre foi concernant la prière pour les défunts : puisqu’il a été plongé dans ta mort, Seigneur, qu’il participe à ta résurrection, parce qu’il n’y a pas l’un sans l’autre : le Vendredi saint et Pâques, le jour où le Christ ressuscitera dans la chair ceux qui sont morts et transformera nos pauvres corps à l’image de son corps glorieux.

Cette phrase est très belle. Pensez-y en pensant à vos défunts, ou en allant au cimetière, ou en priant pour eux, ou à la messe : « Seigneur, tu vas nous ressusciter un jour dans la chair », c’est-à-dire dans notre identité de personne. Chaque personne est unique, avec toute son existence. « Tu vas nous ressusciter. »

Vous connaissez le passage de saint Paul où il se demande : « Comment allons-nous ressusciter ? Avec quel corps ? Psychique, physique, spirituel ? » C’est très compliqué. Ce que nous savons, en tout cas, c’est que nous ressusciterons dans la totalité de notre personne. C’est exprimé ici en termes de transformation : Dieu va transformer nos pauvres corps – qui peuvent être malades, fatigués, etc. – à l’image de son corps glorieux, à l’image de son corps apparu à la Transfiguration et ressuscité.

Quand tu essuieras toute larme de nos yeux

Nous poursuivons ainsi la prière et nous terminons en disant : « Nous espérons être comblés de ta gloire, tous ensemble et pour l’éternité, quand tu essuieras toute larme de nos yeux. » C’est en bas de la quatrième colonne. « Quand tu essuieras toute larme de nos yeux » : c’est une prophétie d’Isaïe. Dieu essuiera toute larme de tous les yeux ; il n’y aura plus de tristesse. « Tu essuieras toute larme de nos yeux, en te voyant, toi, notre Dieu, tel que tu es. »

Parce que, pour l’instant, nous le voyons par la foi. Nous ne voyons pas Dieu tel qu’il est ; nous le voyons par la foi. Mais « en te voyant tel que tu es, nous te serons semblables éternellement ». C’est la vocation de l’homme depuis l’origine, puisque nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. « Et sans fin nous chanterons ta louange, par le Christ notre Seigneur, par qui tu donnes au monde toute grâce et tout bien. »

Voilà notre grande espérance. Voilà notre prière pour les défunts.

Alors, quand vous entendez cette prière à la messe, laissez-vous porter, laissons-nous porter, laissons-nous conduire par la prière de l’Église, qui est si belle, si forte, et qui nous affermit dans la foi et l’espérance.

Salut du Saint-Sacrement – Pèlerinage du Ciel 23 novembre Mgr-Olivier-de-Cagny
Pelerinage du Ciel Mgr Olivier de Cagny

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