Les anges

Qui sont les anges ? D’où viennent-ils ? Que font-ils ? Dans Le Roman des anges (Salvator, 2024), don Pierre Doat, recteur du Mont Saint-Michel, explore la figure de ces créatures invisibles. À travers cet entretien, il nous invite à redécouvrir leur place dans la foi chrétienne et leur présence discrète mais réelle à nos côtés. Rencontre.

Entretien réalisé par Amélie Le Bars pour la revue Chemin d’éternité n°325 avec don Pierre Doat, recteur du sanctuaire du Mont saint Michel et auteur du Roman des anges ? (Editions Salvator 2024).

La triple vocation des anges

« Un ange, c’est d’abord une créature. » Cette affirmation simple, don Pierre Doat la place en tête de son propos pour dissiper les malentendus. Dans l’imaginaire collectif, les anges sont parfois représentés comme des êtres presque divins, flottant dans un univers lointain, inaccessible à l’homme. Or, la tradition chrétienne est claire : les anges sont des créatures, au même titre que nous, créées par Dieu, voulues par Lui, appelées à Le servir.

Les anges partagent avec nous une même vocation : connaître, aimer et servir Dieu.

Ce point de départ est décisif. Il recentre la réflexion sur ce que les anges ont de commun avec nous, humains. « Les anges partagent avec nous une même vocation : connaître, aimer et servir Dieu. » Cette triple mission constitue le fondement de toute vie spirituelle. Ce n’est donc pas une question abstraite : parler des anges, c’est parler de notre vocation d’hommes appelés à la sainteté.

Certes, une différence majeure subsiste : les anges sont des esprits, tandis que nous sommes des êtres corporels. Nous avons une âme immortelle, mais aussi un corps mortel. Les anges, eux, sont purement spirituels. Ils n’ont pas de corps. Par conséquent, ils ne connaissent pas la mort comme nous. Cette distinction, loin de nous éloigner d’eux, rend leur présence encore plus mystérieuse et discrète.

Les anges protègent, annoncent, accompagnent, instruisent. Ils sont messagers, certes, mais aussi gardiens, guides, combattants.

Pourquoi Dieu a-t-il créé les anges ? Pour servir son dessein d’amour. « La mission des anges, est de servir le projet d’amour que Dieu a pour toute sa création, visible et invisible. » Ils ne sont pas là pour eux-mêmes. Leur existence est tournée vers Dieu, mais aussi vers l’homme, vers le monde, qu’ils soutiennent silencieusement. Cette mission de service est variée. Les anges protègent, annoncent, accompagnent, instruisent. Ils sont messagers, certes, mais aussi gardiens, guides, combattants. Don Pierre insiste sur ce point : « Ils n’occupent pas le devant de la scène, mais ils coopèrent à l’histoire du salut. » Leur rôle, bien que discret, est essentiel dans le plan de Dieu.

Il cite à ce sujet une comparaison savoureuse empruntée au père Serge-Thomas Bonino, dominicain et théologien : « L’organisation angélique, c’est comme une administration communiste… sauf que ça marche. » Une structure hiérarchique très dense, où chacun a sa place, sa mission, sa fonction, sans confusion. Chérubins, Séraphins, Trônes, Dominations… neuf catégories d’anges sont traditionnellement recensées, chacune ayant un rôle bien spécifique.

Neuf types d’anges, trois catégories de missions

Nous avons été voulus par Dieu et Dieu attend quelque chose de nous. C’est tout le défi de notre vie de comprendre quoi ? De la même manière, Dieu a une mission prévue pour chaque ange. Votre ange gardien, sa mission et son unique mission, c’est de prendre soin de vous. Il n’en a pas d’autre a priori.

Selon la tradition de l’Église, il existe neuf types d’anges et trois catégories de missions qui leur sont confiées par Dieu. Loin d’être des exécutants interchangeables, ils sont envoyés pour remplir des tâches précises au service de Dieu, de la création et de l’humanité.

Nous avons été voulus par Dieu et Dieu attend quelque chose de nous. C’est tout le défi de notre vie de comprendre quoi ?

La hiérarchie des anges est établie selon leur proximité avec Dieu :

  • séraphins,
  • chérubins,
  • trônes,
  • principautés,
  • dominations,
  • vertus,
  • puissances,
  • archanges
  • anges.

Première mission

La première mission est celle du service direct de Dieu. C’est l’image que donne le livre de l’Apocalypse : des anges qui louent Dieu sans cesse et qui célèbrent la liturgie céleste. L’épître aux Hébreux évoque ces êtres liturgiques qui « passent leur temps à prier » et qui sont « à la messe ».
La hiérarchie des anges est établie selon leur proximité avec Dieu : séraphins, chérubins, trônes, principautés, dominations, vertus, puissances, archanges et anges.

Deuxième mission

Le deuxième type de mission est le service de la création visible. Ce sont les anges qui coopèrent à l’ordre cosmique. Don Pierre évoque avec humour une représentation d’un ange poussant la planète Mars : « Il n’y a pas vraiment un ange qui pousse Mars, mais cela correspond à une réalité spirituelle : Dieu accompagne toutes les réalités par sa Providence, et il le fait aussi à travers les anges. » Le cardinal Newman disait même que ce que nous appelons les lois de la nature, la physique ou l’astronomie, pourrait être vu comme le travail silencieux d’anges.

Troisième mission

Enfin, la troisième mission est le service de l’humanité. C’est dans cette catégorie que se trouvent les Archanges (Michel, Gabriel…) et les anges gardiens. Ils accompagnent les personnes individuellement, les guident, les protègent, les soutiennent dans leur relation à Dieu. Chaque mission est ajustée à la réalité qu’elle sert — divine, cosmique ou humaine. Trois archanges sont connus par leur nom : Michel, Gabriel et Raphaël .

Des myriades d’anges, tous différents

Contrairement à l’idée que l’on pourrait s’en faire, les anges ne forment pas une armée de clones. « Avant de m’y intéresser, je les imaginais comme les clones de Star Wars : tous identiques, interchangeables. » Cette image, don Pierre l’évoque avec humour, pour mieux la déconstruire. Car la réalité spirituelle est bien plus riche : chaque ange est unique, personnel, porteur d’une identité et d’une mission propre.

Il en va ainsi de leur rapport au monde. Tous ne sont pas des anges gardiens. Certains sont attachés à des lieux, d’autres à des missions particulières. Les anges ne sont pas des personnages de décor. Ils sont engagés dans le réel, dans l’histoire, dans notre vie même.

« Il y a des anges partout, dans toutes les dimensions de la vie humaine. » Dans cette multitude, Dieu manifeste sa créativité infinie. Les anges ne sont ni inutiles ni décoratifs. Ils ne sont pas là pour faire joli, mais pour agir, aider, éclairer.

Libres et vertueux… mais pas tous

Les anges bons ne font que le bien tandis que les anges déchus ne font que le mal en cherchant à détourner l’homme de Dieu. Ils peuvent singer le bien pour nous convaincre de leur faire confiance. De la même manière que pour nous, Dieu a une mission prévue pour chaque ange. Votre ange gardien par exemple, son unique mission est de prendre soin de vous, de votre relation avec le Seigneur.

Chaque ange possède toutes les vertus nécessaires à la mission que Dieu lui confie. « Mon ange gardien, par exemple, n’a pas forcément les mêmes qualités que le vôtre », précise-t-il. Si une personne est orgueilleuse, son ange gardien aura les vertus nécessaires pour l’aider à progresser vers l’humilité.  « Il n’y a aucun obstacle en eux à l’amour de Dieu », ajoute don Pierre. C’est pourquoi ils sont toujours fidèles à leur mission. Ils n’ont pas toutes les qualités mais ils possèdent et exercent parfaitement celles qui leur sont données. Et surtout, ils n’ont aucun défaut.

Don Pierre Doat est prêtre de la Communauté Saint-Martin et recteur du sanctuaire du Mont-Saint-Michel. Spécialiste des anges, il a publié Le Roman des anges, une fiction théologique saluée par le Prix de la littérature religieuse 2025.
Don Pierre Doat est prêtre de la Communauté Saint-Martin et recteur du sanctuaire du Mont-Saint-Michel.

Les anges et la liberté

Par ailleurs, les anges sont libres, mais leur liberté est radicalement différente de la nôtre. Chez nous, on confond souvent liberté et possibilité de faire le mal. Mais cette définition est incomplète, voire fausse.« Un mari n’est pas libre parce qu’il peut tromper sa femme ; il est libre parce qu’il choisit, jour après jour, de lui être fidèle. » sans rien perdre de sa liberté. Donc il va être libre d’amer son épouse, en faisant toujours le bien. Le jour où il deviendra esclave, ce sera précisément lorsqu’il la trompera. À ce moment-là, il sera devenu esclave de ses passions, esclaves d’un amour auquel il n’a pas le droit. C’est la même chose pour les anges. Leur liberté s’exerce pleinement dans le bien, dans l’adhésion à la volonté de Dieu. Ils n’agissent jamais contre Lui, non pas par contrainte, mais parce qu’ils sont parfaitement orientés vers le Bien.

Et contrairement à nous, ils ne regrettent pas leur mission. Pas de comparaison, pas de jalousie : « Un ange gardien ne se dit pas qu’il aurait préféré un autre humain à accompagner. Il est tout entier donné à celui ou celle que Dieu lui a confié. » Leur liberté est donc une liberté d’amour, d’adhésion, de fidélité parfaite. Un modèle pour nous, et un encouragement à revoir notre propre conception de la liberté.

Les anges et le temps

C’est pourquoi ils ne sont ni complètement dans l’éternité, ni dans le temps matériel. S’ils étaient dans l’éternité, ils ne pourraient pas intervenir dans le monde. Et comme ils n’ont pas de corps, on ne peut pas les localiser physiquement. Mais leur présence est réelle. « Ils sont là où ils agissent », dit don Pierre. C’est leur volonté qui les localise, pas leur corps. Ainsi, notre ange gardien est véritablement avec nous, présent, actif, invisible mais réel.

L’ange gardien

C’est souvent la première image qu’un enfant rencontre : un ange bienveillant, protecteur, veillant sur son sommeil ou sur ses pas. Mais ce n’est pas une invention pieuse. « L’ange gardien, ce n’est pas un conte pour enfants. C’est une réalité théologique. »

Selon la tradition de l’Église, chaque personne reçoit un ange dès sa naissance. Cet ange accompagne l’âme tout au long de sa vie terrestre. À l’instar de l’Esprit Saint, il veille, il conseille, il protège. Et même après la mort, il reste auprès d’elle dans l’attente de la résurrection.

Pour autant, l’ange gardien ne remplace pas la liberté humaine. « Il n’agit jamais contre notre volonté. » Il suggère, inspire, avertit, mais il ne contraint pas. La coopération entre l’homme et son ange suppose l’écoute, l’accueil, la confiance.

Don Pierre encourage à renouer avec cette relation spirituelle : « On peut lui parler, le prier, l’interroger. C’est un ami fidèle, discret, mais toujours là. » Surtout dans les moments d’épreuve, de solitude ou de combat intérieur, l’ange peut devenir un précieux allié.

Mon ange,
mon inspiration

« Mon ange gardien ne m’est jamais apparu. » Don Pierre Doat le reconnaît d’emblée : si son ange est bien là, il ne s’est jamais manifesté visiblement. Pourtant, cela ne veut pas dire qu’il n’agit pas. Simplement, les anges interviennent d’ordinaire de manière intérieure, au plus intime de l’âme, par inspiration, à la manière de l’Esprit Saint.

Il arrive que certaines personnes — même non croyantes — témoignent d’interventions extraordinaires : être physiquement retenu au bord d’un précipice, sentir une main invisible sur le volant… Mais ces manifestations ne sont pas la norme. « Ce n’est pas la manière ordinaire d’agir des anges », précise-t-il. Leur mission s’exerce plus discrètement, dans le silence du cœur, en suggérant des pensées de paix, de bonté, de patience.

Face aux irritations du quotidien — une voisine bruyante, une situation tendue —, il est tentant de rêver d’une intervention spectaculaire d’un ange vengeur, glaive au poing. Mais, ajoute don Pierre avec humour, « ce n’est pas comme ça que va faire notre ange ». Plutôt que de frapper, il inspire la douceur. Plutôt que de punir, il suggère le bien.

Et cette relation est réciproque. On peut parler à son ange, le prier, lui demander conseil. C’est même un exercice spirituel très fécond. « Cela nous aide à prendre conscience que notre vie n’est pas déconnectée du monde invisible », explique-t-il. Nous vivons parfois comme si Dieu et les anges n’existaient pas. Or, prier son ange, c’est se rendre disponible à son action. Même si l’ange agira de toute façon, que nous l’invoquions ou non, notre prière nous rend plus réceptifs, plus attentifs, plus souples à ses inspirations.

En somme, « la prière ne sert pas à arracher quelque chose à Dieu », conclut don Pierre, « mais à recevoir ce qu’Il veut déjà nous donner ». Et souvent, Dieu passe par les anges pour nous faire ce don.

Les anges, instruments de la grâce de Dieu

Don Pierre Doat le rappelle avec clarté : les anges sont des instruments de la grâce de Dieu, au même titre que les personnes ou les événements. De la même manière qu’un parent peut transmettre à son enfant l’amour de Dieu, les anges deviennent des médiateurs de cet amour. Ils agissent selon ce qu’ils sont, avec leurs propres moyens.

« Les anges vont agir avec leurs moyens à eux », explique-t-il. Parfois, cela passe par des interventions physiques — comme retenir quelqu’un, orienter un geste, ou même, selon des témoignages, empêcher quelqu’un de sortir d’un lieu sacré. Il cite le cas d’un homme incapable de franchir la porte d’une église tant qu’il ne s’était pas confessé. Pour autant, ce type d’intervention reste rare.

Le plus souvent, les anges interviennent sur notre esprit, par des inspirations, des pensées inattendues, des images ou des songes. Et ces songes ne doivent pas être méprisés, pour peu qu’ils soient passés au filtre de la raison. Le père Doat prend l’exemple de saint Aubert, fondateur du sanctuaire du Mont-Saint-Michel. Après deux rêves où l’archange Michel lui demande de bâtir un sanctuaire, c’est le troisième rêve, accompagné d’un signe tangible (un enfoncement sur son crâne), qui déclenchera finalement sa décision.

Il insiste : « Ne faites pas tous les trucs qui vous passent par la tête pendant que vous dormez », mais les songes peuvent être un canal réel d’inspiration angélique, à condition d’y exercer le discernement. Ce fut le cas pour saint Joseph, qui prend des décisions radicales — accueillir Marie, fuir en Égypte, revenir à Nazareth — uniquement sur la foi d’un rêve, où un ange lui apparaît.

« Il faut toujours que cela passe au filtre de la raison, de notre intelligence, de notre volonté », conclut don Pierre. Ainsi, Dieu peut passer par les anges pour nous parler, mais c’est à nous d’apprendre à reconnaître leur voix et à y répondre librement.

Don Pierre Doat est prêtre de la Communauté Saint-Martin et recteur du sanctuaire du Mont-Saint-Michel. Spécialiste des anges, il a publié Le Roman des anges, une fiction théologique saluée par le Prix de la littérature religieuse 2025.
Don Pierre Doat est prêtre de la Communauté Saint-Martin et recteur du sanctuaire du Mont-Saint-Michel. Spécialiste des anges, il a publié Le Roman des anges, une fiction théologique saluée par le Prix de la littérature religieuse 2025.

Éduquer à l’invisible : le roman des anges

Un enjeu majeur, pour don Pierre, est de transmettre cette réalité spirituelle aux jeunes. « Il faut réhabiliter l’ange gardien dans la catéchèse. » Pas comme une fable, mais comme une présence réelle, personnelle, dynamique. L’enjeu est pastoral : apprendre aux enfants à ne pas avoir peur de l’invisible, à l’habiter avec confiance.

Cette pédagogie peut passer par la prière quotidienne, les fêtes liturgiques (comme celle des Saints Anges Gardiens, le 2 octobre), ou la lecture de la Bible. Car les anges ne sont pas absents de l’Écriture : de la Genèse à l’Apocalypse, ils accompagnent l’histoire du salut.

Éduquer à l’invisible, c’est aussi éduquer à la foi. Accepter qu’il y a plus grand que soi, que la réalité dépasse ce que l’on peut toucher ou prouver. C’est ouvrir l’âme à la transcendance, sans tomber dans le merveilleux.

Une présence pour l’éternité

Enfin, les anges nous rappellent que notre vie ne s’arrête pas à la mort. Ils nous préparent à entrer dans la vie éternelle. « Les anges nous accompagnent jusqu’au seuil du ciel. » Là, ils rejoignent la grande louange des anges et des saints, dans la lumière de Dieu.

Cette perspective eschatologique donne tout son poids à leur présence. Ils ne sont pas des distractions passagères, mais des compagnons d’éternité. Ils nous apprennent à vivre en présence de Dieu, dès maintenant.

Et don Pierre de conclure : « Les anges ne sont pas un sujet secondaire. Ils nous parlent du cœur de notre foi. » En les redécouvrant, c’est notre relation à Dieu lui-même qui s’approfondit.

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Don Pierre Doat est prêtre de la Communauté Saint-Martin et recteur du sanctuaire du Mont-Saint-Michel. Spécialiste des anges, il a publié Le Roman des anges, une fiction théologique saluée par le Prix de la littérature religieuse 2025.
Le Roman des anges, une fiction théologique de don Pierre Doat, saluée par le Prix de la littérature religieuse 2025.

📖 Le Roman des anges,
don Pierre Doat, éditions Salvator, 2024.

Don Pierre Doat est prêtre de la Communauté Saint-Martin et recteur du sanctuaire du Mont-Saint-Michel. Spécialiste des anges, il a publié Le Roman des anges, une fiction théologique saluée par le Prix de la littérature religieuse 2025.
Stratégie des anges, deuxième opus signé don Pierre Doat sur les anges.

📖 Stratégie des anges,
don Pierre Doat, éditions Salvator, 2025.

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