Peut-on être marqué par les péchés de nos ancêtres ? La question de la transmission des conséquences du péché d’une génération à l’autre suscite de nombreuses interrogations. Sommes-nous responsables, d’une manière ou d’une autre, de ce qui a été fait avant nous ? Et surtout, avons-nous un rôle à jouer dans la réparation de ces conséquences ?
Pour en parler, nous avons rencontré don Thomas Lapenne, chapelain au sanctuaire Notre-Dame de Montligeon, dans notre émission Sanctuaire Normand sur RCF.
Pouvons-nous hériter des conséquences des péchés de nos ancêtres ?
Oui, dans un certain sens, comme par exemple pour le péché originel. L’Église enseigne qu’il existe un péché transmis depuis notre conception. En venant au monde, nous entrons dans la famille humaine, et nous sommes solidaires de cette humanité blessée, notamment à travers cette faute originelle.
C’est une faute que nous n’avons pas commise personnellement, mais que nous héritons comme un mauvais héritage, un mauvais atavisme.
De la même manière qu’un gène défectueux ou une maladie congénitale peut être transmise corporellement, ou que des blessures affectives ou psychologiques peuvent se transmettre, l’Église nous enseigne qu’il en va de même sur le plan spirituel : le péché originel blesse le cœur de chaque être humain qui vient au monde.
Cependant, chacun reste responsable de ses propres actes. Le mal que je commets, j’en suis responsable. Si mes grands-parents ont commis une faute, les petits-enfants ne la portent pas en tant que faute. La responsabilité de la faute n’est pas transmissible.
Sommes-nous punis pour les péchés de nos ancêtres ?
Il ne s’agit pas d’une punition dans le sens d’une vengeance, ou d’un poids qui s’abattrait injustement sur nous. Ce n’est pas parce que nos ancêtres ont fait le mal que nous allons nécessairement subir le mal aujourd’hui. En revanche, il peut exister ce que Jean-Paul II appelait des « structures de péché ». C’est-à-dire un environnement, une culture, une éducation ou une société façonnée par de mauvaises habitudes, par des vices ou par le péché — que ce soit contre Dieu ou contre l’amour du prochain. Cet environnement peut alors nous conditionner, et même freiner notre élan vers le bien. Ce n’est pas une punition, mais un contexte qui peut freiner notre croissance spirituelle, parce que nous n’avons pas reçu tous les repères ou l’élan nécessaire pour choisir le bien.
Les blessures historiques ont-elles encore des effets ?
Péché personnel et portée collective
Oui, tout à fait. Les mauvais choix du passé — comme l’esclavage, les guerres, les jalousies — peuvent avoir des conséquences durables. Ces péchés contre la dignité humaine continuent parfois à produire des effets dans nos sociétés : des ressentiments, des exclusions, une vision inégalitaire des personnes.
Ces réalités influencent nos mentalités. Nous pouvons en hériter inconsciemment. Toutefois, il ne faut pas faire porter toute la responsabilité à nos prédécesseurs. Nous avons aussi la liberté d’interroger ces héritages, de remettre en cause certaines évidences, et de faire d’autres choix, meilleurs.
Le péché est toujours un acte personnel. Il naît d’un choix libre : une mauvaise action, un désir désordonné, une pensée ou une omission du bien. Cela relève de la responsabilité individuelle. Cependant, nos actes ne sont jamais sans effet sur les autres.
Comme le disait Benoît XVI : « Nul ne vit seul, nul ne pèche seul. » Nos actes ont des conséquences sur notre entourage, qu’ils soient bons ou mauvais. Bernanos, dans le Journal d’un curé de campagne, écrivait même que nos péchés les plus secrets — pensées, désirs — polluent l’atmosphère que les autres respirent.
Il y a donc une exigence intérieure à choisir le bien, non seulement pour nous, mais aussi pour ceux qui nous entourent. Et cela est d’autant plus vrai si l’on a une responsabilité de famille, de communauté, ou dans l’Église. Un mauvais choix personnel peut entraîner dans le mal tout un groupe avec soi.
Peut-on réparer les fautes du passé ?
Oui et non. Non dans le sens où nous ne sommes pas responsables des fautes d’autrui. Mais oui, parce que nous sommes solidaires. En tant que membres de la même famille humaine, et de la même Église, nous pouvons faire du bien aux autres, y compris à ceux qui ont fait du mal et qui sont décédés. Nous pouvons offrir des actes de charité, d’aumône, et surtout la messe — qui est le plus grand acte de charité — pour leur salut.
C’est une manière d’expier, c’est-à-dire de réparer. Chacun reste responsable de ses actes, mais nous pouvons les aider sur le chemin de la conversion et de la réparation.
La puissance de la messe et de la prière pour les défunts
La prière et la messe sont offertes pour la purification et la guérison des âmes des défunts. Elles ont une grande efficacité pour réparer et expier les fautes. La messe, en particulier, s’appuie sur le sacrifice du Christ : source de toute miséricorde et de tout pardon.
Dans la messe, le Christ assume et efface les conséquences du péché. Nous nous associons à sa prière, et c’est cela qui permet de réparer les blessures causées par le péché, y compris chez nos aïeux, ou chez les âmes du purgatoire qui attendent notre prière.
Offrir des indulgences pour réparer ?
C’est une grande question. L’indulgence est une manière de réparer. Il y a plusieurs moyens : la messe, les actes de charité, les sacrifices offerts avec amour. L’amour et le pardon réparent.
L’indulgence est une grâce que l’Église nous accorde, en puisant dans les mérites du Christ et des saints, notamment pendant une année jubilaire comme celle de 2025. Elle permet la remise de la dette liée au péché. Là où une relation a été blessée par une faute, l’indulgence vient rétablir la justice par la miséricorde divine.
C’est par les mérites du Christ et des bienheureux — œuvre de l’Esprit Saint — que sont réparées les conséquences du mal commis. Ainsi, l’indulgence est un moyen de participer à la réparation des fautes passées de nos ancêtres.
Des fruits spirituels visibles au sanctuaire
C’est la grâce de Montligeon : prendre conscience de la communion des saints. Nous restons en lien avec nos défunts et nous pouvons leur faire du bien. En les inscrivant à la Fraternité, en faisant célébrer la messe perpétuelle, en priant pour eux, par l’intercession de Marie.
Beaucoup repartent du sanctuaire en étant réconfortés : « Quelqu’un s’occupe de mon défunt », disent-ils. Le Christ, l’Église, dans la communion des saints, œuvrent à la réparation des fautes de nos défunts. Cela apaise la tristesse de la séparation et même certaines douleurs liées au passé.
C’est une vraie consolation de savoir que nous ne sommes pas seuls à porter ce fardeau, que la prière, la messe, et Marie, Notre-Dame Libératrice, sont là pour nous aider à entrer dans la paix.
Nous avons un rôle à jouer
Non, nous ne sommes pas responsables des fautes de nos ancêtres. Mais oui, nous pouvons en porter les conséquences. Et surtout, nous pouvons y répondre par la prière, l’offrande de la messe, la charité, les indulgences. L’Église nous donne les moyens spirituels d’entrer dans une dynamique de réparation, au cœur même de la communion des saints.
Inscrivez vos défunts à une messe perpétuelle ou rejoignez un groupe de prière pour les âmes du purgatoire. Ensemble, répondons à l’appel du Christ à réparer dans l’amour ce que le péché a blessé.