« Arnaud a serré ma main… et puis il est parti. J’ai ressenti son adieu comme un “je vous aime”. »
Ce 25 juin 2023 restera gravé dans la mémoire de Brigitte. Ce jour-là, son fils Arnaud, âgé de 52 ans et porteur de lourds handicaps, est entré dans la vie éternelle. Brigitte partage avec émotion son parcours à travers le deuil, le soutien de la foi et l’espérance en la vie éternelle.
Une vie marquée par le handicap et l’amour familial
Son fils Arnaud était infirme moteur cérébral et atteint de cécité ; il ne voyait que des ombres. Il ne pouvait pas parler avec des mots, mais il communiquait avec ses expressions faciales. « Il trouvait toujours des moyens de se faire comprendre », se rappelle Brigitte avec tendresse.
Depuis 2017, elle avait pris sa retraite pour s’occuper de lui à plein temps. « Pendant six ans et demi, je vivais avec lui jour et nuit. Je me levais plusieurs fois la nuit pour veiller sur lui. Tout était centré sur son bien-être. » Cette proximité intense rend l’absence d’Arnaud déchirante. « Quand il est parti, c’est comme si une partie de moi était morte avec lui. »
« Arnaud a toujours fait preuve d’une endurance remarquable face à ses souffrances. Malgré son handicap, il ne se plaignait jamais. Il était patient et tolérant. Parfois, si nous étions en retard pour un repas ou une activité, il accueillait tout avec un sourire. Sa manière d’accepter les difficultés sans jamais exprimer de rébellion m’a énormément appris. Cela me rappelle souvent à quel point nous pouvons nous concentrer sur des détails insignifiants, alors qu’Arnaud était capable d’affronter tant de choses avec calme et grâce. »
Alors que Brigitte a rendez-vous pour faire passer une radio à Arnaud, elle s’aperçoit qu’il est au plus mal et dans l’incapacité de rentrer. Elle l’accompagne donc aux urgences. Il n’en ressortira jamais.
La préparation à l’adieu
Hospitalisé pendant un mois, Arnaud ne manifestait presque plus d’émotions. Cependant, le jour de son décès, des signes troublants ont marqué ses proches : « Lorsque nous avons récité la prière du Notre Père avec le prêtre, j’ai remarqué une larme couler sur les joues d’Arnaud, une de chaque côté. Émeline et moi étions convaincues qu’il savait qu’il allait partir. C’est comme s’il était déjà entre la terre et le ciel. »
Alors que Brigitte et sa fille tenaient chacune la main d’Arnaud, elles ont senti une pression jusqu’au bout de leurs doigts : « Il a serré nos mains très fort ; ensuite, il est parti. Nous avons ressenti un dernier adieu, comme s’il nous disait « au revoir, je vous aime ». Ma fille, très courageuse, m’a dit : « Maman, c’est fini. » »
La douleur du départ
Effondrée, à bout de souffle, Brigitte répète pendant plusieurs jours : « Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible… » Impossible de réaliser, encore moins d’accepter, la mort de son fils. « Mon corps m’a complètement lâché. Je ne pouvais plus marcher ni respirer correctement. Je me sentais vidée, physiquement et émotionnellement. C’était comme si sa mort avait traversé mon être tout entier. »
Elle passe par toutes les phases du deuil et crie tout haut dans la maison son désespoir plus que sa colère. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonnée ?! » Comme Jésus sur la croix, elle répète ces phrases en boucle. Une révolte, une souffrance qui rejaillit. « Et puis pourquoi Tu fais des miracles et que là il n’y en a pas eu ? Après, à force d’en parler, j’ai fini par me dire qu’il avait été sauvé trois fois. » Le début d’une forme d’acceptation ?
Sa fille, qui a vécu l’épreuve au plus près d’elle, lui confiera plus tard que, lorsqu’elle était seule avec son frère, elle lui a murmuré : « Arnaud, tu sais, si tu veux, tu peux partir. »
Au cœur de la messe l’espérance
La célébration des obsèques a été un moment de consolation pour Brigitte. L’homélie du père Patrice, qui avait rendu visite plusieurs fois à Arnaud à l’hôpital, reflétait parfaitement la richesse de l’homme au-delà de son handicap. Le prêtre a transformé son état de souffrance en paix, expliquant que les handicaps ne montent pas au ciel.
« Son handicap est parti d’un coup parce qu’on n’emmène pas ça là-haut », résume Brigitte en poursuivant : « D’ailleurs, dans son homélie, le prêtre a dit qu’Arnaud avait un « ticket » pour aller droit au ciel. Il est maintenant libre et heureux auprès de Dieu. » Lors de cette messe, Brigitte et sa fille ont également lu des textes en hommage à Arnaud.
« Nous voulions parler de tout ce qu’il nous avait apporté. Il était une source d’amour et de joie. »
La force de la prière
Pour Brigitte, la prière est devenue une ancre dans l’épreuve du deuil. « Chaque jour, je prie pour Arnaud et pour ceux qui souffrent. Je ressens une communion profonde avec lui et avec le Christ. » Lors de la halte réconfort deuil à Montligeon, elle a trouvé écoute et consolation auprès de sœur Cécile et du petit groupe de quatre personnes qui assistaient avec elle à la session.
Elle se souvient avec émotion d’être restée des heures prostrée devant la grande statue de la Vierge. « Pendant une messe, j’ai ressenti une vague de légèreté soudaine me traverser, comme si un poids s’enlevait de ma poitrine. C’était un moment de paix intense, un signe que je n’oublierai jamais. J’ai même pleuré pendant l’Eucharistie, tout en ressentant une paix immense. » Arnaud était présent.
Un chemin d’espérance
« À un moment, je me suis dit que j’étais un peu égoïste dans le fond, parce qu’il est bien là-haut, il est auprès de Dieu et près de sainte Thérèse qu’il aimait tant. Il y a toute une armée de saints là-haut, avec lui, qui veillent sur nous. On peut lui demander plein de choses maintenant ! » Malgré l’absence, Brigitte garde une foi solide.
Elle tient à encourager ceux qui traversent une épreuve similaire : « Il faut s’accrocher à la prière, même dans le désespoir. Demandez à Dieu de vous porter, comme un enfant qui ne sait pas marcher. Il y a toujours une lumière, même dans la nuit la plus sombre. »
Le témoignage de Brigitte est un élan d’espérance pour tous ceux qui traversent le deuil. Dans son parcours, elle a trouvé la paix grâce à la foi et à l’amour de son fils. Montligeon reste pour elle un lieu de réconfort, un espace où elle continue de prier pour Arnaud et pour tous les défunts. « C’est cela l’espérance : savoir que nous nous retrouverons un jour, auprès du Christ. »