Dans la douceur du soir, nous avons rencontré Alain qui a garé son camping-car depuis quelques semaines au sanctuaire. Sa fille Marion a disparu en 2023 au cours d’un treck sur l’île de la Dominique. Comment survivre à une telle épreuve, à l’incertitude qui ronge et qui rend fou ? Avec simplicité, il nous a confié ses doutes et son espérance : «C’est le Christ qui m’aide à traverser les vallées profondes de la folie et de la mort.»
La disparition de Marion
Quand ses parents apprennent la disparition de leur fille Marion, ils partent à sa recherche dans les Caraïbes. Quatre mois d’angoisse, de rebondissements, de faux espoirs et de déceptions douloureuses. Des médiums leur donnent même des informations troublantes : « elle est prisonnière », « elle a fait une chute », « elle est entourée de magie. » Qui croire ? Que faire ? « À un moment, nous confie Alain, j’ai dit stop ! Seigneur, je m’en remets à toi, il faut tout arrêter car cela devient de la folie. À partir de là, j’ai commencé à revenir au Christ. Il m’a aidé à traverser les vallées profondes de la folie, de la mort, et de l’horreur de perdre ma fille. Sur la disparition, il n’y a pas de prise. Je ne pouvais que m’en remettre à Dieu, en disant : “Que ta volonté soit faite”. Sinon, je serais mort de désespoir. »
Quatre mois de recherches sur l’île
De retour en France, un ami d’enfance parle alors de Montligeon à Alain. Il y arrive un 15 août et il lâche tout : « J’ai pu pleurer toutes les larmes que j’avais retenues. Je me suis remis complètement à Dieu. Je savais qu’il fallait mourir à une partie de moi-même, celle du protecteur, du père qui n’est plus là pour son enfant. » Il lui faut aussi accueillir sa colère. Même s’il se fait accompagner pendant un an par un thérapeute, il sent qu’il lui manque quelque chose pour en sortir : accepter la vie. « Si je dis oui à la vie, à l’amour je commence à guérir. Mais si je résiste, je souffre et j’entraîne toute ma famille dans cette souffrance. »
J’ai trouvé un réconfort dans la foi
Alain connaît aussi une certaine lassitude de la vie. « À un moment, je ne voulais plus vivre. Je ne suis pas suicidaire, mais je n’avais plus la force de continuer. J’avais l’impression que ce monde ne m’intéressait plus. Mes enfants ont aussi remarqué que ça n’allait pas, malgré mes efforts pour leur dire que tout allait bien. Mais il fallait que je traverse cette souffrance pour me transformer intérieurement. Depuis trois mois, je sens qu’il y a quelque chose de nouveau qui pousse en moi, comme une nouvelle vie qui naît dans le terreau de la souffrance. Sur les débris, il y a quelque chose qui renaît. » C’est une victoire de la vie sur la mort.
Je veux croire qu’elle est encore là, quelque part !
Un an plus tard, le père éprouvé revient à Montligeon. Il a arrêté de travailler et vit de peu, le temps de reprendre pied. Avec son camping-car, il sillonne la France. Le sanctuaire lui fait du bien. Avec sa fille disparue, le lien se transforme : « Je ne peux plus lui parler, ni la prendre dans mes bras, mais le lien est toujours là, et peut-être même plus fort d’une certaine manière. Il m’arrive de ressentir sa présence, comme une réponse à ma prière. C’est différent, mais ce lien reste unique. C’est devenu une forme de prière, un dialogue invisible. »
Avant de repartir sur les routes, souriant, Alain souffle : « Aujourd’hui, je me sens accompagné, tous les jours. La solitude n’existe plus pour moi. J’ai encore beaucoup de questions, mais je ne suis plus seul. Je suis en chemin, dans une quête intérieure qui me rapproche du Christ. C’est cette foi, cette espérance, qui me permet de traverser les épreuves. »