Les fins dernières dans la perspective catholique

Depuis quand parle-t-on
des fins dernières ?

L’attente des derniers temps est présente dans la foi d’Israël : Isaïe annonce la consolation pour le peuple, ainsi que le royaume de Dieu et d’autres prophètes à sa suite. Pour les chrétiens, nous sommes dans les derniers temps depuis la mort et la résurrection du Christ qui a transformé le monde. Nous attendons l’accomplissement définitif de ce qui s’est déjà réalisé il y a plus de deux mille ans.

Jésus lui-même annonce son retour « quand le fils de l’homme viendra dans sa gloire ». Il nous invite dans de nombreuses paraboles (comme celle des vierges qui attendent l’époux avec leurs lampes) à veiller, à ne pas nous assoupir. Il nous fait également la promesse de la résurrection de la chair : « Les morts ressusciteront », les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre éternelle. Il nous met en garde contre la possibilité de refuser le royaume et nous fait la promesse de la vie éternelle.

L’Église a approfondi et développé par son magistère cette question des fins dernières.

N’est-il pas angoissant d’avoir les fins dernières comme horizon ?

La crainte de l’avenir nous touche tous. En revanche, savoir qu’il appartient à Dieu est notre espérance puisque cela nous rappelle qu’il est vainqueur de l’injustice, de la mort et de la souffrance et que celles-ci n’ont pas le dernier mot sur l’existence humaine. Par ailleurs cela nous rappelle que tout ce que je vis ici-bas a un sens parfois caché, mystérieux, dans le plan de Dieu.

Comment les fins dernières peuvent-elles orienter notre vie ?

Méditer sur notre mort et notre finitude, sur la promesse de la vie éternelle, sur le purgatoire et l’enfer peut nous aider à remettre notre vie en perspective. La mort nous rappelle notre finitude. L’enfer nous rappelle notre responsabilité. Il est un aiguillon pour nous remettre chaque jour entre les mains de Dieu. Le purgatoire éclaire les épreuves que nous pouvons vivre ici-bas et qui sont déjà des purifications. Enfin le ciel nous rappelle que nous sommes faits pour la vie et l’amour et donne du sens à tout ce que nous pouvons vivre. Cette tension et cette attente s’exprime dans toute la prière chrétienne aussi bien dans le chapelet (« Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, maintenant et à l’heure de notre mort »), qu’à la messe.

Nous serons jugés sur l’amour

Dans le jugement dernier, il n’est pas tant question de comptabilité que de l’amour que nous aurons mis dans notre vie. Et nous pouvons toujours aimer, quelle que soit notre situation : handicapé, grabataire, en pleine possession de nos moyens… Ce qui donne du sens à l’existence et nous projette dans l’avenir, c’est la charité qui couvre une multitude de péchés.

Le royaume de Dieu est pour ceux qui s’en remettent au Seigneur et lui disent : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir mais dis seulement une parole et je serai guéri » ou encore, comme le Bon larron : « Souviens-toi de moi quand tu seras dans ton royaume ». Il s’agit de s’en remettre sans cesse dans les mains du Seigneur car nous ne pouvons rien faire par nos propres forces et nous avons besoin de lui.

Prêcher les fins dernières, c’est prêcher la confiance

Je regrette qu’on ne prêche plus sur l’enfer ou qu’il soit uniquement présenté comme une sanction. Pourtant, il est si facile d’y aller ! Jésus nous met en garde souvent, notamment lors de sa rencontre avec le jeune homme riche qui refuse de le suivre : « Comme il est difficile à un riche d’entrer dans le royaume des cieux ! » Mais il ajoute : « À l’homme c’est impossible mais à Dieu tout est possible. » La foi chrétienne nous fait découvrir que le paradis ou l’enfer ne sont pas une question de sanction mais de relation et de confiance. À la toute fin de notre vie, pourrons-nous nous jeter avec confiance dans les bras miséricordieux du Seigneur ?

Méditer sur les fins dernières c’est nous inviter à aimer maintenant malgré nos limites, nos faiblesses, notre pauvreté, nos contradictions et nos incohérences, nous pouvons toujours aimer et servir.

Comment goûter aujourd’hui du royaume des cieux ?

On peut vivre déjà du royaume des cieux aujourd’hui malgré les difficultés ou les épreuves de nos vies dans le souci fraternel et des pauvres, la délicatesse, les petits actes d’amour etc. En voyant par exemple les sœurs de Mère Teresa à Calcutta se mettre au service des enfants non désirés, des lépreux, des pauvres et des mourants abandonnés, il y a quelque chose du royaume de Dieu.

Qu’est-ce qu’aimer, concrètement ?

C’est facile de dire qu’on aime. « Paroles, paroles, paroles », chantait Dalida. L’amour se prouve et s’éprouve. Comme dit saint Jean, l’amour se vit « en acte et en vérité » (Jn 3, 18). Il ne s’agit pas de poser des actions extraordinaires. Au contraire, les petits sacrifices du quotidien, les mercis, les pardons, la délicatesse, la tendresse, l’encouragement, l’attention, le sourire, dans toutes ces petites choses, l’amour s’épanouit.

Y a-t-il un temps dans l’au-delà ?

La vie éternelle nous fait peur car on se la représente souvent comme cette vie en un peu mieux et perpétuelle. Comme le disait Woody Allen : « La vie éternelle c’est long surtout vers la fin ! » Penser ainsi c’est se méprendre sur la surprise que Dieu nous fait et sur la notion de temps. Certes, il y a toujours un temps au ciel et en enfer mais ce temps ne correspond pas à notre temps cosmologique, physique. Et il est très différent : au ciel, on ne le voit pas passer. En enfer en revanche, il est très long.

Lorsque le monde sera renouvelé, nous serons toujours dans un temps puisque c’est notre condition de créature et que Dieu seul est éternel. En revanche, ce temps sera transfiguré, assompté, transformé par Dieu. Nous ne pouvons pas imaginer la joie et la résonance qu’elle nous procurera dans ce temps. Mais nous en faisons quelque peu l’expérience quand nous goûtons à quelque chose de bon ou de beau, à une joie dont nous voudrions qu’elle ne s’arrête pas. Par exemple, une journée de mariage, une naissance, un moment où des amoureux se retrouvent et où il n’y a pas besoin de paroles, un match où l’équipe a bien joué et gagné.

Pouvons-nous imaginer la création nouvelle ?

Nous ne pouvons pas l’imaginer mais nous pouvons essayer de balbutier quelque chose : paix, joie, harmonie, communion. Comme le dit saint Paul : « Ce que l’œil n’a jamais vu, ce que l’oreille n’a jamais entendu, ce qui n’est jamais monté dans le cœur de l’homme, voilà ce que Dieu a préparé pour ceux qu’il aime » (1 Co 2, 9-13). Ce sera donc une surprise magnifique. Nous goûterons un bonheur sans fin, ce bonheur sera spirituel mais aussi corporel. Nous verrons des lumières et des couleurs que nous n’avons pas imaginées, nous entendrons des sons et des musiques inouïes, nous goûterons des saveurs extraordinaires, nous éprouverons des sensations nouvelles.

La transfiguration du Christ nous offre un avant-goût de ce que nous serons. Comme lui, nous serons glorifiés, il nous divinisera. Nous serons nous-mêmes, fils et filles de Dieu, dans une humanité glorifiée.

Une perspective vertigineuse ?

Cette perspective est rassurante dans un monde marqué par l’angoisse climatique et la peur de la fin du monde. La foi nous donne cette certitude de la victoire définitive du Christ, non sans épreuves avant. « Quand ces faits arriveront (les catastrophes etc.), redressez-vous, relevez la tête car votre délivrance est proche » ; « N’ayez pas peur ! »