5 ans après les attentats, Sylvie et Erick reviennent au sanctuaire pour une veillée de prière pour les victimes du terrorisme. Elle raconte ce jour où tout bascule, puis la rencontre avec l’espérance.
Que s’est-il passé pour vous il y a cinq ans ?
Marion (27 ans) et Anna (24 ans) ont été assassinées à la terrasse du Petit Carillon le 13 novembre 2015. Cela a été un choc terrible pour mon mari et moi. Tout a été chamboulé dans notre vie, comme pour tout parent ayant perdu ses enfants. Mais cela a été tellement brutal. Je ne pouvais plus travailler. Nous avons vendu notre commerce.
Nous essayons de vivre avec tout ça. Cette année comme en 2015, l’anniversaire de leur mort tombe un vendredi. Depuis hier soir 20h 45, nous revivons tout : le coup de fil du ministère nous apprenant le décès de nos filles, aller à Paris le dimanche pour reconnaitre nos filles à l’Institut médicolégal, aller chercher leurs affaires, boucler leurs vies et, le lundi 23 novembre, vivre leurs obsèques à la cathédrale de Blois et leur enterrement dans notre petit village.
Nous avons eu beaucoup de mal à relever la tête mais on est tous les deux. On se tient la main. On vit tranquillement tous les deux, on a un petit groupe d’amis paroissiens, on ne se casse plus la tête. Le matin, on loue le Seigneur, on lui confie notre journée, il fait des belles choses, des rencontres par exemple.
Comment avez-vous rencontré Dieu ?
Avant 2015, nous étions croyants mais pas pratiquants. Érick l’était plus que moi. À la mort des filles, cela a été une évidence, je me suis tournée vers Dieu, vers Marie. Il n’y a qu’Eux qui comptent. Je sais que les filles sont avec Dieu.
“Marie surveille
les filles “
Marie est avec les filles, elle les surveille. Les filles étaient de sacrées coquines, elles aimaient la vie. Je demande à Marie de les surveiller, qu’elles soient bien là quand j’arriverai.
Mon mari a un peu plus de révolte, il en veut un peu à la terre entière. Je le respecte et je le comprends. On est complètement en osmose tous les deux.
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L’interview
Un conseil pour les parents endeuillés ?
Tournez-vous vers Dieu, il n’y a que ce chemin-là qui peut sauver. Il faut s’ouvrir à Dieu, il n’y a pas d’autre alternative. Vivre sa foi, être bien à l’écoute, attentif, sinon on passe à côté.
Sans Dieu ni Marie, il n’y a rien. Quand on parle des défunts, pour moi les filles ne sont pas des défuntes, elles sont vivantes en moi, elles sont là tout le temps. De même, je n’aime pas le mot cimetière. Je dis que je vais à « la maison des filles ». Le cimetière c’est pour ceux qui ont fait leur vie, pas pour des filles de 24 et 27 ans !
Pourquoi êtes-vous venus à Montligeon ?
Je viens pour la troisième fois avec mon mari. Les deux années précédentes, nous sommes venus à Montligeon avec notre paroisse de Cellettes. La première année, on nous a proposé de venir. On s’est dit : après ce que nous avons vécu, il ne peut nous arriver que du bien. Cette année, nous devions revenir en pèlerinage avec la paroisse mais cela a été annulé. Nous sommes ici à l’invitation de don Paul. Je suis très heureuse d’être là, je sens que mes filles sont là, c’est le principal.
Pendant la veillée ce soir*, j’avais un pincement au cœur. Des paroles m’ont beaucoup touchée : il a été dit par sœur Marie-Aimée, que tous les jeunes et les moins jeunes assassinés le 13 novembre avaient été appelés par Dieu. C’est Dieu qui les a appelés chacun par son prénom et ils se sont engouffrés dans la lumière.
*Veillée du 14 novembre à Montligeon, consacrée à la prière pour les victimes du terrorisme et de la violence.