Une retraite deuil pour mon père

Venue spécialement des États-Unis pour participer à une retraite deuil à Montligeon, Madeleine raconte son expérience à la suite du décès de son père, survenu sept mois plus tôt.

Accompagnée de sa grand-mère paternelle, elle a voulu renouer un lien avec ses racines françaises, sa famille et sa foi. Au fil de ce témoignage, elle évoque la difficulté de vivre un deuil loin de ses attaches. Entre démarches administratives et pression sociale à « aller de l’avant », elle ne peut pas réellement traverser l’épreuve qu’elle vit. À Montligeon, elle a trouvé un espace de recueillement, de prière et de partage, entourée d’autres personnes endeuillées. Les enseignements sur l’au-delà et la communion des saints l’ont touchée, lui permettant de reconnecter avec une dimension spirituelle qu’elle avait laissée en sommeil. « Je ne voulais pas cet héritage, je voulais juste pleurer mon père », dit-elle avec simplicité. Ces deux jours à Montligeon lui ont permis de renouer avec sa foi, d’approfondir le lien avec sa famille française, et de faire l’expérience d’une consolation inattendue. 

Je suis venue chercher la paix

« Bonjour. Je m’appelle Madeleine. » C’est ainsi qu’elle se présente, avec simplicité. Américaine, elle participe pour la première fois à une retraite deuil au sanctuaire Notre-Dame de Montligeon. Elle vient de traverser une épreuve difficile : la mort de son père, survenue il y a sept mois. Cette perte l’a profondément touchée. Pas uniquement à cause de l’absence, mais aussi en raison des blessures laissées par une relation inachevée.

Elle ne fait pas ce chemin seule. C’est avec sa grand-mère, la mère de son père, qu’elle s’inscrit à cette retraite. Toutes deux arrivent ensemble dans ce sanctuaire au cœur du Perche normand, à la recherche de paix, de consolation et peut-être aussi de pardon. 

Madeleine, au sanctuaire le 6 juin 2025.

Retrouver ma famille

C’est sa tante, la sœur de son père, qui leur parle de Montligeon. Pour Madeleine, ce conseil familial n’est pas anodin. Il l’invite à franchir une étape, à entrer dans une démarche où la foi joue un rôle central. Elle précise : « La religion catholique est très importante pour ma grand-mère. Elle l’était aussi pour mon père, avant son décès. Je pense qu’il a retrouvé la foi avant de mourir. »

Ce retour à la foi de son père, sur la fin de sa vie, résonne profondément en elle. Madeleine ne cherche pas seulement à comprendre ce qui s’est joué pour lui, mais aussi à redécouvrir ce lien spirituel qui les unit. Elle le dit clairement : « Le fait de pouvoir revenir en France et redécouvrir ma propre foi m’a aidée à ressentir une certaine connexion avec lui. »

Renouer avec mon père

Ce père qu’elle pleure aujourd’hui, elle ne l’a pas connu comme elle l’aurait voulu. La douleur du deuil se double d’un regret. « J’avais une relation assez tendue avec mon père. Et cette relation me manquait. Ce temps perdu me manquait. »

Il ne s’agit donc pas seulement pour elle d’accepter une absence, mais de revenir sur une histoire marquée par l’éloignement, l’incompréhension, peut-être même la souffrance. Cette retraite à Montligeon lui permet de trouver un espace où l’on ne se contente pas de tourner la page, mais où l’on peut relire les chapitres douloureux avec un autre regard.

Elle exprime avec émotion ce que ce temps de halte lui a permis de vivre : « Ça a été vraiment génial pour moi de pouvoir renouer avec lui grâce à ma famille ici. » En se rendant dans ce lieu, elle trouve une voie de réconciliation. Non pas dans le fantasme ou l’oubli, mais dans une prise de conscience réelle : celle de ce qu’il a été, avec ses contradictions, son histoire, sa culture, et aussi ses choix.

Retrouver mon identité

Cette reconnexion passe notamment par la redécouverte des racines familiales. Madeleine en parle avec précision : « J’ai pu en apprendre davantage sur sa culture, sa langue. Toutes ces choses qui faisaient de lui ce qu’il était. » Son père avait été naturalisé citoyen américain peu avant sa mort. Son histoire personnelle est donc marquée par une double appartenance, une identité construite entre deux mondes.

Pour Madeleine, renouer avec cet héritage n’est pas un exercice intellectuel ou généalogique mais un chemin d’unification intérieure. « Me reconnecter avec eux m’a vraiment aidée à savoir qui je suis. » Ce « eux », ce sont les vivants — sa grand-mère, sa tante, sa famille élargie — mais aussi sesdéfunts. C’est toute une lignée, une mémoire familiale qu’elle commence à explorer à travers ce séjour à Montligeon.

Retraite deuil au sanctuaire Notre-Dame de Montligeon
Retraite deuil au sanctuaire Notre-Dame de Montligeon

Une famille à redécouvrir

« J’ai découvert une grande famille à laquelle je n’avais pas accès auparavant », confie-t-elle. La retraite deuil agit ici comme un révélateur. En sortant de son cadre quotidien, en prenant le temps de se poser, elle découvre non seulement des liens avec les défunts, mais aussi avec les vivants. Elle met des visages, des histoires, des gestes sur cette mémoire familiale jusqu’alors floue.

C’est peut-être l’un des aspects les plus précieux de ce temps à Montligeon : il permet de remettre la relation au centre. Non pas une relation idéalisée, mais une relation incarnée, avec ses fragilités, ses silences et ses espérances. Dans ce cadre de retraite, la parole circule. Le silence aussi. Chacun peut avancer à son rythme, avec respect.

Un mouvement intérieur, portée par un lieu

Madeleine souligne combien l’environnement du sanctuaire l’a aidée. Montligeon n’est pas seulement un lieu de beauté naturelle. C’est un lieu habité, où les intentions de prière, les messes pour les défunts, les échanges spirituels portent chacun dans son chemin de deuil. Ce n’est pas une thérapie, ni un simple accompagnement psychologique, même si cela produit des effets de libération. C’est une expérience humaine et spirituelle, à vivre dans la foi.

« Je pense que mon père aurait aimé savoir que je suis venue ici », dit-elle. Ce simple constat dit beaucoup. Il révèle une forme de paix retrouvée, mais aussi une proximité retrouvée. La prière, les temps de silence, la redécouverte de sa propre foi lui permettent de tisser un lien nouveau, invisible mais réel, avec son père défunt.

Une retraite deuil bouleversante

Au fil des jours, Madeleine sent quelque chose bouger en elle. Elle exprime  un mouvement intérieur, un déplacement de la colère vers la paix, de la tristesse vers la gratitude. « J’avais beaucoup de colère et de tristesse à cause de cette relation manquée. Mais je repars d’ici avec une paix profonde. »

Ce changement ne vient pas d’un coup de baguette magique. Il s’opère dans la prière, dans l’écoute de la Parole, dans les échanges, dans le climat de confiance propre à ces retraites. Le cadre spirituel du sanctuaire joue un rôle fondamental. Ici, on prie pour les défunts. On parle de l’au-delà, de la miséricorde de Dieu, de l’espérance de la vie éternelle. Ce regard chrétien sur la mort, loin de l’éteindre, éclaire le deuil et le transforme.

Madeleine souligne le réconfort et soutien des chapelains, des sœurs, et des pèlerins rencontrés au sanctuaire Notre-Dame de Montligeon : « Il régnait dans ce groupe une solidarité incroyable. Quelle expérience bouleversante que de se retrouver entourée de personnes venues d’horizons si différents, mais unies par une même épreuve. Nous avons assisté à plusieurs conférences sur l’au-delà et sur la prière pour nos êtres chers disparus. En outre, nous avons eu la grâce de participer à quelques cérémonies dans la basilique. Hier soir, notamment, nous avons déposé nos prières pour nos proches défunts. Je crois que tout le monde a pleuré, mais moi, j’étais complètement bouleversée. Ce moment m’a profondément touchée, au point que j’ai eu du mal à m’en relever. C’était une épreuve intense. Pourtant, après la cérémonie, de nombreuses personnes sont venues à moi : elles m’ont entourée, encouragée, serrée dans leurs bras, embrassée.

Retraite deuil au sanctuaire Notre-Dame de Montligeon
Retraite deuil au sanctuaire Notre-Dame de Montligeon : Madeleine était interviewée par Marie Houdebert.

Pourquoi m’a-t-on enlevé mon père ?

On m’a demandé un jour si j’étais en colère contre Dieu ou contre quelqu’un d’autre. Cette question est revenue lors de la première série de conférences que nous avons suivies avec Sœur Cécile. Ensemble, nous avons passé en revue les différentes étapes du deuil. Il a été souligné que ce chemin n’est jamais linéaire. « C’est une spirale », disait-elle. On avance, on recule, on progresse, puis on retombe.

Pour illustrer ses propos, elle a esquissé un geste de la main, comme pour dessiner cette spirale. Oui, nous traversons des moments difficiles, mais, tôt ou tard, nous nous relevons. Toujours. Du moins, je l’espère. Ce qui m’a marquée dans cette conférence, c’est que, contrairement à ce que beaucoup peuvent ressentir, je n’ai jamais vraiment éprouvé de colère. Et je me suis demandé pourquoi.

Mon père est mort à 56 ans. Il n’était pas en phase terminale. Il ne fumait pas, pas comme les Français. Il était en bonne santé, faisait de l’exercice. Il prenait soin de lui jusqu’au bout. Vraiment. Alors je me suis demandé : pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi m’a-t-on enlevé mon père ?

Et surtout,  pourquoi ne m’a-t-on pas donné, à moi, cette chance de le garder ?

J’aurais voulu que cette épreuve soit l’occasion de raviver ma relation avec Dieu. Mais non. Cela ne s’est pas produit. Non pas par colère. Ce n’était pas de la colère. C’était autre chose. Une confusion. Un manque d’explication. Et ce que je ressentais, ce n’était dirigé ni contre quelqu’un, ni contre Dieu. Jamais. Vraiment, jamais.

« Je n’utiliserais pas le mot “colère” pour décrire cela. Plutôt de la confusion. »

Je garderai ces enseignements avec moi pour le reste de ma vie.

À l’issue de ces deux jours, Madeleine repart différente. Non parce qu’elle aurait « tourné la page », mais parce qu’elle s’est laissée rejoindre dans sa vulnérabilité. Parce qu’elle a osé ouvrir la porte à un travail de réconciliation intérieure. Et parce qu’elle a redonné une place à son père dans son histoire personnelle, dans sa mémoire, dans sa foi.

« Je peux affirmer avec certitude que cela m’a été très bénéfique. Je me sens beaucoup plus proche de mon père, de ma grand-mère, de ma famille en France et de mes racines françaises.
La religion catholique occupe une place très importante dans la vie des Français. Elle m’a touchée au plus profond de mon cœur. Je garderai ces enseignements avec moi pour le reste de ma vie. Ce fut une expérience magnifique.

Je pense que ce que je retiendrai principalement de cette expérience, c’est la patience et la compréhension, ainsi que la capacité et la volonté d’offrir à chacun un espace où il peut exprimer ses croyances, quelles qu’elles soient. La religion catholique est belle et elle aide énormément dans le processus de deuil. »

Montligeon est un lieu où l’on pleure, mais aussi un lieu où l’on espère. Où l’on vient avec ses blessures, mais d’où l’on repart plus unifié. « Je suis vraiment reconnaissante d’avoir pu vivre cela», conclut-elle.

Date des prochaines retraites deuil au sanctuaire :

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