Notre société a tendance à considérer les personnes âgées comme inefficaces, voire comme des « déchets », comme l’affirme le pape François. Dans ce contexte, peut-on vieillir dans la joie ? À 80 ans, nos plus belles joies sont-elles devant nous ? Réponse de sœur Cécile pour RCF Orne-Calvados-Manche.
Peut-on vieillir dans la joie ?
Le temps de la vieillesse peut être riche et beau, mais c’est aussi une période difficile car il nous confronte sans cesse à des appauvrissements répétés physiques, psychologiques…
Dernier tronçon de notre pèlerinage sur la terre, avec comme perspective le passage de la mort et la grande rencontre avec le Seigneur, cette échéance confronte la personne âgée à un enjeu de vérité et d’authenticité croissante.
Pour la personne âgée, l’enjeu est de se demander comment je désire vivre cette période et quel sens lui donner ? Cette période peut être très féconde, parfois plus que le reste de la vie qui l’a précédée. Cet héritage personnel, spirituel et humain que je vais laisser, comment le transmettre à mes enfants, à mes petits-enfants ?
La personne âgée par son témoignage de vie est comme un livre ouvert, offert à ceux qui restent .
Que peut donner la personne âgée dans le contexte d’efficacité de notre société ou les vieux ne valent pas grand-chose ?
La vieillesse est un temps de relecture de sa vie. C’est un temps pour faire mémoire et rendre grâce de toutes les joies passées, c’est le temps aussi de la transmission auprès des plus jeunes. Les personnes âgées ont traversé et tenu dans les épreuves.
Le pape François s’insurge contre l’idée répandue dans notre monde que les personnes âgées ne valent pas grand-chose parce qu’elles ne sont plus efficaces. Pourtant, alors que les jeunes ont tant besoin de témoins, elles peuvent témoigner de la manière dont elles ont traversé les épreuves de la vie. C’est une richesse inouïe !
Pour une personne âgée, ainsi que pour des grands malades face à l’échéance de la mort prochaine, le présent prend du relief. Les joies du quotidien, les relations vécues sont vécues avec une intensité plus grande. Donc, la vieillesse est une période à soigner. Elle peut parfois être difficile car il y a l’épreuve du corps, parfois du psychisme, de la mémoire qui se dégradent. Ce n’est pas facile car la personne âgée est à la fois dans ce présent à vivre peut-être plus intensément et aussi dans un lâcher prise qui s’accompagne d’une certaine tristesse.
Vieillir est-il un temps favorable pour se connaître enfin soi-même en vérité ?
La vieillesse est le temps où nous apprenons à ne plus faire, à se laisser faire et donc à être. C’est très dur. Notre société prône l’apparence et propose sans cesse de nouveaux moyens de paraître jeune. Mais la beauté de la personne âgée est dans son être.
J’étais infirmière et j’ai vu des visages de personnes âgées devenir de plus en plus beaux. C’est peut-être lié à une simplicité plus grande.
Il y a des personnes âgées qui deviennent transparentes de la beauté de leur cœur. On voit parfois des vieux moines tout ridés qui ont passé leur vie dans la prière et qu’on sent traversés de la lumière de Dieu. Je pense au visage plissé mais rayonnant de sœur Emmanuelle du Caire car toute la joie de ce qu’elle avait donné transparaissait. C’est beau les visages des personnes âgées !
Pour la personne âgée, refuser cette dégradation, entrer dans l’être, peut être un vrai combat. Beaucoup se disent aujourd’hui que, puisque le corps et parfois l’esprit subissent des dégradations, la vie ne vaut plus la peine d’être vécue. Pourtant, c’est passer à côté de toute la richesse de la transmission. Le témoignage d’une personne âgée qui traverse sa vieillesse courageusement et qui dépose dans nos cœurs tout l’être qu’il y a dans son cœur est fabuleux !
A 80 ans, nos plus belles joies sont-elles devant nous ?
La vieillesse est un temps favorable pour penser au Ciel et à la récompense qui nous attend. Mais avant cela, le passage peut effrayer. C’est une perspective douloureuse mais avec en toile de fond, celle de l’éternité. Dans l’une de ses très belles catéchèses sur la vieillesse, le pape parle de « noviciat du Ciel ». Dans noviciat, il y a nouveau. On devient quelqu’un de neuf. Elle est comme un temps de préparation, de fiançailles avec l’Éternel. « Je vieillis mais le meilleur est devant moi : le Ciel. »
Le pape parle même de temps de trépidation. La vieillesse est un peu comme un grand temps de l’Avent de la vie éternelle. Dans l’Avent il y a cette notion de joie, de peuple qui est en attente de ce Messie qui arrive. Un proche m’a dit : « La traversée m’effraie, mais le jugement me fait de moins en moins peur. Grâce à sainte Faustine et sainte Thérèse, je sais que la première chose que je verrai après ma mort c’est la miséricorde. La miséricorde précède la justice. » Ce proche peut dire cela aujourd’hui, après avoir vécu tout un chemin de vie. Il ne l’aurait peut-être pas dit il y a 30 ans.
La vieillesse est aussi un temps donné pour approfondir sa vie spirituelle. C’est très important de le dire aux personnes âgées. Autrefois on parlait beaucoup de la préparation à la mort. Aujourd’hui elle est tue, et pourtant c’est tellement important. « La meilleure place que je peux désirer c’est celle de l’enfant prodigue dans les bras du Père, » disait ce proche. Cette personne a cette perspective. Elle a réfléchi à la vie éternelle.
Saint Paul disait : « L’homme extérieur va vers sa ruine mais l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. » Quelle belle parole pleine d’espérance pour nos frères et sœurs d’un certain âge ! Ils peuvent la garder dans leur cœur et se demander quelle place je laisse à l’homme intérieur ? La vieillesse c’est le temps de l’épanouissement de l’homme intérieur.