Frère Luc de Tibhirine et la mort

Frère Luc est l’un des sept moines cisterciens de Tibhirine assassinés en 1996 en Algérie. Ses écrits montrent sa perception de la mort, son espérance ainsi que son absence de crainte devant la mort. En relisant ses lettres, son biographe dom Thomas Georgeon, abbé de la Trappe de Soligny nous propose une bonne nouvelle sur la mort.

Le 20 novembre 2022 à Montligeon, dom Thomas Georgeon a donné un enseignement sur la vie éternelle. Il s’est arrêté particulièrement sur le frère Luc de Tibhirine, dont il est le biographe (Frère Luc, la biographie, avec Christophe Henning, Bayard).

Avec six frères moines de Tibhirine, frère Luc a été assassiné en 1996. Nous étions au milieu de la décennie noire d’affrontements entre les islamistes radicaux et l’Etat algérien. Les moines sont morts parce qu’ils avaient choisi de rester dans leur monastère. Ils n’ont pas craint de donner leur vie en témoignage de leur amour pour le Christ et pour l’Eglise de ce pays. En particulier pour la population qui les entourait et qui, elle, n’avait pas le choix de partir ou de rester.

Le frère Luc était le plus ancien. Avant d’entrer au monastère, il était médecin et il a soigné toute la population environnante pendant 50 ans. Sa vie a été marquée par la mort car il a perdu son frère assez jeune et ensuite son père et sa mère. Des pensées et des réflexions autour de la mort l’ont continuellement nourri.

La perception de la mort pour Frère Luc

« J’ai donc 80 ans. Il faut regarder la vie avec bienveillance et douceur. Tous les jours nous allons vers l’anniversaire de notre mort. À la manière des vagues qui ne modifient pas la profondeur de la mer, ainsi les évènements à la surface de notre vie ne modifient pas le sens de celle-ci qui doit rester un chemin vers Dieu. (…) À mon âge, on franchit un seuil plein de mystère : « quand se taisent les chansons, lorsqu’on redoute la montée et qu’on a des frayeurs dans le chemin » (Qo 12, 4-5). » Frère Luc, même s’il ose regarder la mort en face, considère qu’il avance mais qu’il avance vers un mystère.

Son espérance

« À notre âge nous ne sommes plus très loin de nous embarquer vers la joie, la paix et la lumière. Cette seconde naissance nous étonnera davantage que la première quand nous avons pris contact avec le monde. L’important, c’est d’œuvrer sous le regard de Dieu. »

Frère Luc nous montre ainsi que la mort n’a pas et n’a jamais le dernier mot mais qu’elle est un passage. Elle est « une nouvelle naissance, une pâque ». Et nous sommes appelés à l’aborder avec confiance parce que notre vie terrestre n’est qu’un pèlerinage sur cette terre, un pèlerinage que nous commençons avec le Seigneur. Nous espérons donc dans la foi que nous le terminerons avec le Seigneur dans la cité céleste. Et l’entrée dans la cité céleste s’accomplit dans cet acte ultime de l’homme qu’est la mort.

L’absence de crainte de frère Luc devant la mort

« Nous cheminons avec le Seigneur, il nous indique le chemin. C’est par la pauvreté, l’échec et la mort que nous allons vers Dieu. Aussi longtemps que nous faisons de notre vie un but en soi, il ne subsiste aucune raison de vivre car tout se termine par la mort. C’est dans le Christ que nous découvrons le sens profond de notre vie. Ce que Dieu demande, c’est que nous lui faisions confiance, à lui et au Christ. »

Entendre ces mots peut nous paraître très beau et très simple, surtout quand ils viennent d’un bienheureux. Et pourtant, cela ne veut pas dire que ce soit si facile. Rien n’est acquis et nous avançons sur un authentique chemin de foi qui est parfois semé d’embûches, d’épreuves de souffrances, de douleurs.

« La mort, c’est Dieu »

Mais là encore, frère Luc nous ouvre un chemin qu’il nous faut essayer de suivre le plus simplement possible. « Pour aborder la mort, il faut non pas beaucoup de courage mais beaucoup d’humilité parce que la mort est rencontre avec Dieu. La mort ne peut être un objet de terreur puisque la mort c’est Dieu ».

Elle est notre assurance de la rencontre de celui que nous avons aimé et servi pendant toute notre vie, quelle que soit notre vocation, quelle que soit la manière dont nous avons déployé la vie baptismale que nous avons reçue.

L’expression est forte : « la mort c’est Dieu ». Elle est forte et cela peut nous choquer. Cela semble aussi contredire l’Écriture qui dit clairement que Dieu n’a pas fait la mort. Frère Luc affirme que nous sommes appelés à mourir en Dieu, non seulement tout au long de notre vie et c’est notre chemin de conversion à tous en entrant dans une démarche d’humilité. Mais également au moment ultime de cet acte de mourir qui nous fait entrer dans la vie nouvelle et éternelle.

La vie éternelle, nous la vivons déjà

« Chaque minute est un pas vers la mort, mais c’est un pas vers l’amour. Paradoxe du christianisme : la mort est le commencement de la vie. La vie éternelle n’est pas située après la mort, mais elle est présente au cœur de notre existence. » La vie éternelle n’est pas simplement pour demain, après demain ou après notre mort. La vie éternelle, nous la vivons déjà.

Frère Luc affirme cette vérité de foi et nous renvoie ainsi à la réalité même de notre vie chrétienne. Nous sommes disciples du Christ, chacun avec notre vocation propre, et nous cheminons dans une vie d’alliance avec Dieu dans le Christ Jésus. Lui qui, par sa mort et sa résurrection, accomplit la volonté du Père en nous ouvrant le chemin de la vie.

Frère Luc : « L’acte ultime de l’homme c’est la mort »

Souvenez-vous des paroles de Jésus dans l’évangile de saint Jean : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé. Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père il y a de nombreuses demeures, sinon vous aurais-je dit : je pars vous préparer une place ? Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi afin que là où je suis vous soyez vous aussi. »

Le chemin de la vie chrétienne a un but, une finalité qui est Dieu lui-même. C’est un fait incontournable : notre vie terrestre a une fin. On pourra continuer à inventer toutes les pilules, toutes les crèmes inimaginables, pour nous rendre immortels, notre vie terrestre a une fin dans cet acte ultime de l’homme qui est la mort.

Etre toujours et partout prêt à la mort

Pour frère Luc, « la mort est le problème ultime qui se présente à l’homme et le plus difficile. La mort, énigme indéchiffrable reste notre destin à tous. Nous savons que nous mourrons mais nous ne savons pas l’heure ni le genre de mort qui nous attend. Être toujours et partout prêt à mourir à tout ce que nous faisons, n’être pas poussé par la crainte de l’enfer mais par l’amour du Christ. »

Que ce désir anime chacune et chacun d’entre vous. Il s’agit de croire à la vie du monde à venir. Attendons-la en étant conscients que la vie éternelle se vit ajourd’hui dans nos actions et dans nos œuvres. Elle prendra un sens plénier complet après notre mort dans l’attente de la résurrection finale.

3 commentaires

  1. De toute beauté
    Merci à vous pour votre sire très j’en fait
    La Vie est belle
    Vous niys le confirmer par vos exposés
    Frere Luc m’accompagne depuis leur disparition
    C’est lui qui donne sens à ma Vie
    Soyez bénis dans votre mission

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