Mgr Bozo : pourquoi combattre l’euthanasie et le suicide assisté ?

A la rentrée sera examiné un projet de loi qui vise à légaliser le suicide assisté et l’euthanasie. Pourquoi le combattre et comment le combattre ? Conférence de Mgr Bozo, évêque de Limoges, à Montligeon le 15 août 2023.

Montligeon est un sanctuaire béni de prière pour les défunts : la question de la fin de vie intéresse donc nécessairement ceux qui viennent ici. Or, à la rentrée sera examiné un projet de loi qui vise à légaliser le suicide assisté et l’euthanasie. Pourquoi le combattre et comment le combattre ? Conférence de Mgr Bozo, évêque de Limoges, à Montligeon le 15 août 2023.

Pourquoi combattre l’euthanasie et le suicide assisté ?

Parce que la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté, qui ont cours, contrairement aux idées reçues, dans une toute petite minorité des pays du monde (quelques états des USA, le Canada, la Colombie et en Europe, l’Espagne, le Portugal, la Belgique, la Suisse, les Pays-Bas et le Luxembourg) est une rupture définitive de notre mode de vie en société, de la confiance mutuelle qu’elle implique, de l’interdit de tuer qui est un interdit fondateur de nos civilisations.

Partons des arguments des défenseurs de l’euthanasie. Je relève cinq arguments (trois sont d’ordre théorique et deux de l’ordre de l’expérience).

Premier argument théorique : la volonté de maîtriser sa mort

« Je dois pouvoir choisir librement le moment de ma mort ».

Notre mort ne nous appartient pas plus que notre vie. Revendiquer d’avoir le droit de maîtriser sa propre mort, c’est l’individualisme à son plus haut niveau. « Chacun détermine soi-même sa norme et dans la relativité générale, personne ne peut aider l’autre et encore moins le faire progresser » (Cardinal Ratzinger, « Conscience et vérité », Communio, XXXI, 1, janvier-février 1996, p. 105). Quelle place alors aux proches ? Ma vie ne concerne-t-elle que moi ? C’est un monde inhumain qui est ici suggéré.

Deuxième argument théorique : l’opinion publique semble majoritairement favorable à l’euthanasie

Sur l’opinion publique très majoritairement en faveur de l’euthanasie, il faut bien regarder les questions posées, qui tournent toutes plus ou moins autour d’une alternative du type : « Préférez-vous mourir dans d’atroces souffrances ou décider de votre fin de vie » ? Au fond, ce que révèlent les sondages, c’est que les gens ne veulent subir ni douleur, ni obstination déraisonnable ou acharnement thérapeutique. Avec cela l’Église est bien d’accord.

Troisième argument théorique : l’euthanasie est un droit individuel qui ne retire rien à personne

Sur le fait que l’euthanasie est un droit individuel qui ne contraindrait personne et n’obligerait personne, c’est soit un mensonge, soit une illusion naïve. Comment imaginer qu’une personne âgée, malade ne se sentira pas une charge et qu’elle ne demandera pas que sa vie se termine pour ne plus peser sur ses proches ou sur la collectivité ? Et comment ne pas penser que le coût que représente les soins des personnes âgées ne finira pas insidieusement par encourager à abréger la vie de ceux qui coûtent tant d’argent et d’énergie ?

Quatrième argument (de l’ordre de l’expérience) : la déchéance du vieil âge ou de la maladie

La déchéance, les altérations dues à l’âge peuvent être une épreuve. Mais elles posent la question de savoir ce qu’est une vie digne d’être vécue… Considérer notre dignité en fonction de nos performances et de nos capacités, c’est envoyer un terrible et dangereux message aux personnes handicapées, vulnérables, improductives… Ou simplement à ceux qui trouvent qu’ils ont trop de rides et n’aiment plus leur image.

Je voudrais vous lire la méditation de la dixième station du magnifique chemin de Croix des JMJ de Lisbonne, au Parc Edouard VII, en présence du Saint Père et de centaines de milliers de jeunes.

Jésus est dépouillé de ses vêtements

Nous vivons dans une société de miroirs où ce qui compte, c’est l’apparence, l’image. Des selfies et encore des selfies. La tyrannie du bon corps et du sourire parfait. Des photos de soi sur les médias sociaux dans des poses soigneusement étudiées. Des posts artificiels qui attendent les likes des autres. Le terrible sentiment de ne pas pouvoir être soi-même, de devoir se vendre pour être aimé et ne pas être isolé. Des narcissismes qui, au final, nous laissent seuls sur des îles lointaines.

Et Toi Seigneur sur la Croix, nu, égal à Toi-même, sans honte d’être qui Tu es. Tu n’as pas vécu pour l’image, mais pour le Bien. Enseigne-moi, Seigneur. Donne-moi la force d’être différent, de ne pas vivre pour l’image mais dans la fidélité à ma conscience.

Cinquième argument (de l’ordre de l’expérience) : certaines souffrances sont insupportables

La souffrance intense, qu’on doit combattre autant que possible, ne se soigne pas par l’acte de donner la mort. Donner la mort n’est évidemment pas un soin. Les médecins, les soignants le disent et l’écrivent sur tous les tons. Et les juristes rappellent que l’évolution de la loi n’entraînerait pas un changement du code de la santé publique, mais du code pénal…

En revanche les soins existent, les progrès médicaux concernent aussi les antalgiques. L’art des soins palliatifs est de les doser de manière à soulager en altérant au minimum la conscience pour que les personnes en fin de vie puissent mener ce « travail du trépas ».

Dans son interview à la revue Chemin d’Eternité de l’été 2022, Erwan Le Morhedec dit : « J’ai rencontré dans mes lectures le terme « travail du trépas » qui m’a fait penser à la « salle de travail » de l’accouchement, à l’autre extrémité de la vie. Ce travail est peut-être la dernière tentative de se mettre complètement au monde, de boucler la boucle. »

Il reste la question délicate de ce que les médecins appellent « la souffrance réfractaire ». Face à cela, la dernière loi sur la fin de vie, dite Claeys-Léonetti de 2016 ouvre la possibilité de la sédation profonde et continue jusqu’au décès. A des conditions très strictes, très encadrées, on altère la conscience pour éviter la souffrance, sans tuer. L’intention n’est pas la même. C’est décisif.

J’ai rapidement passé en revue les arguments des défenseurs de l’euthanasie. Face à la contestation très forte du corps médical et des voix importantes qui se sont fait entendre, le gouvernement promet une loi très restrictive, très encadrée.

Nous savons de manière certaine qu’une telle loi, qui ne concernerait que quelques cas extrêmes, ne tiendra pas. Dans tous les pays qui ont légalisé l’euthanasie, les conditions sautent les unes après les autres, s’assouplissent, s’ouvrent aux enfants, aux personnes dépressives, et finalement à tous ceux qui sont fatigués de vivre… Le danger est grand. Il conduira à une altération des consciences sur la dignité humaine, à un déclin clair de civilisation.

Comment combattre ?

On peut penser que les dés sont jetés et plier les pouces. Mais ça n’est pas ce que le Dieu des vivants attend de nous. Faisons nôtre l’ardeur de Saint Augustin : « Si le Seigneur ne me trouve pas victorieux, qu’Il me trouve au moins combattant ! » (Saint Augustin, Confessions).

Quelles sont nos armes ?

– La prière

– Le dialogue

– Le combat politique. C’est un combat pacifique, mais cela ne signifie pas un combat mou. Formez-vous, écrivez à vos députés. C’est onéreux, cela prend du temps, mais c’est notre responsabilité. Nous n’avons pas le droit de nous taire. Signez des pétitions. Manifestez peut-être…

Découvrez Chemin d’éternité, la revue du sanctuaire de Montligeon

Un commentaire

  1. Bonjour,
    Ma maman est décédée le 6 mai dernier, à 74 ans, après 34 ans de lutte contre un cancer. Elle a pu bénéficier des soins palliatifs. Je crois que remettre en cause le “tu ne tueras pas” est en effet une erreur capitale et majeure qui fait que la digue va céder vers toutes les dérives. Oui pour interpeller les députés et les médecins en formation….!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *