Mgr Samir Nassar est archevêque maronite de Damas, en Syrie depuis 2006. Pour la revue Chemin d’éternité, il décrit la situation préoccupante de la Syrie aujourd’hui, et aussi ses raisons d’espérer.
Quelle est la situation de la Syrie aujourd’hui ?
La situation de la Syrie concerne aussi tout le Proche-Orient. Dans notre pays, la guerre s’est installée depuis maintenant douze ans. Le pape François la qualifie de « troisième guerre mondiale fragmentée ». Au départ, on l’attribuait aux oppositions au gouvernement, mais c’est devenu une lutte internationale. Il y a 85 pays, sous différentes dénominations, qui se battent en Syrie : États-Unis, Russie, Iran etc. La France aussi puisqu’elle a fait partie de l’alliance qui combattait Daech.
On a démoli ce pays : plus de douze millions de réfugiés sont partis en Turquie, au Liban, en Jordanie, en Irak, en Europe, presque la moitié de la Syrie est détruite, un Syrien sur deux n’a plus de toit. C’est un pays qui souffre beaucoup et jusqu’à présent le terrain n’a pas été totalement pacifié. Il y a des projets de violence qui sont toujours en marche et on n’a pas encore trouvé la solution.
La Syrie subit les sanctions mondiales les plus lourdes : on n’a pas le droit d’importer des médicaments, des produits industriels, ni quoi que ce soit. Pire, des lois sont votées comme la loi César américaine par exemple qui, non seulement interdit de vendre à la Syrie mais pénalise ceux qui veulent l’aider. Cela cause une souffrance très dure qui augmente chaque jour.
Comment concrètement, ramener la paix en Syrie ?
Pour être en paix, il faut de la justice et lever les sanctions mondiales. Chez nous, les malades meurent par manque de médicaments, de technologies médicales et paramédicales etc., puisqu’on ne peut pas les importer. On meurt parce qu’on n’a pas les moyens d’importer les produits de base comme le fuel, l’essence, le blé, le lait infantile. La paix est liée à la justice locale et à la justice mondiale. Il n’est pas juste de laisser mourir !
Bien sûr, le pape appelle souvent à la paix, il demande d’aider la Syrie. Notre pays n’est pas oublié non plus par l’Église, par des partenaires en France, en Allemagne, par l’Œuvre d’Orient notamment et bien d’autres. Parmi eux, le sanctuaire Notre-Dame de Montligeon aide à soutenir la vie de l’Église locale et des prêtres. Grâce à Montligeon, ils célèbrent des messes en union avec la Fraternité.
Cette œuvre est arrivée dans notre pays en 1902-03 et récemment, don Paul Denizot est venu nous rendre visite. Il nous a expliqué les liens entre les vivants et les défunts et nous avons installé un autel à Notre-Dame de Montligeon dans la cathédrale. Toutes ces initiatives personnelles nous soutiennent dans la mesure du possible. Et ce n’est pas facile car le système bancaire syrien est gelé depuis 2011. Il est donc impossible de faire des virements.